Sur le fond, nous ne savons quasiment rien de la rencontre de travail de trois heures qui s’est déroulée 18 août entre V. Poutine et A. Merkel, au château de Meseberg en Allemagne.
Pourtant et le fait même de cette rencontre et la déclaration préalable faite à la presse nous confirment toute la distance existant entre la virtualité du monde postmoderne, dont les intérêts étaient représentés ici par Merkel, et la force du monde réel qui continue à avancer, ce qui fut confirmé par Poutine.
Ces derniers temps, les deux dirigeants russe et allemand se rencontrent essentiellement lors des plateformes internationales, le fait même de la venue de Poutine en Allemagne est un signe: les discours sur la politique d’isolement de la Russie ne sont que des discours qui n’ont pu créer une nouvelle réalité. La Russie est une pièce majeure de l’échiquier international, penser la contourner est naïf.
Pour autant, si les discussions entre l’Allemagne et la Russie ne se sont pas interrompues, chaque fois les parties insistent sur le fait que l’important est la discussion plus que le résultat. La dernière fois à Sotchi en mai, rien de particulier n’en a sorti.Cette fois-ci également, A. Merkel déclare :
«… aucun résultat particulier » n’était à attendre de cette entrevue. « Mais le nombre de problèmes qui nous préoccupent, de l’Ukraine à la Syrie en passant par la question de la coopération économique, est si important que cela justifie un dialogue permanent », a-t-elle ajouté.
De son côté, le Kremlin par la voix de son porte-parole tient le même discours :
Il (Peskov) a noté que les parties n’avaient pas engagé de discussions ayant pour but de parvenir à des accords.
Il est vrai que l’approche entre les deux chefs d’Etat est à tel point différente que si les sujets de discussion sont nombreux, il va être difficile de surmonter les barrières. A. Merkel a tenu un discours reprenant tout à fait les dogmes du clan globaliste, faisant passer certains intérêts politiques précis au-dessus de l’intérêt des Etats.
C’est ainsi qu’elle insiste sur le rôle de l’Ukraine dans le transit du gaz, malgré les problèmes récurrents que celle-ci a posé depuis les années 2000. Elle parle des problèmes humanitaires en Syrie, sans s’inquiéter de la reconstruction du pays. Elle parle des accords de Minsk comme si la Russie devait les appliquer et non les garantir. Enfin, en glissant, elle se rappelle des rapports bilatéraux, mais entre les sociétés civiles. L’Etat et l’intérêt national sont bannis du discours.
De son côté, Poutine ramène immédiatement le discours dans le réel. Il commence par les statistiques des échanges commerciaux entre les pays, par la quantité de gaz russe qui est vendue en Allemagne, par ces rapports réels entre deux Etats qui existent, qui font le monde réel. Il n’entre pas dans le monde postmoderne fantasmé défendu par Merkel. Ce sont les entreprises qui font la richesse des échanges entre les pays, pas cette mythique « société civile ».
Ainsi, Nord-Stream prend toute sa logique, avec une concession pour l’Ukraine, si elle cesse de faire du transit de gaz un instrument de chantage politique. Très concret aussi sur la Syrie: il faut s’engager, reconstruire, sinon ce sont des millions d’immigrés qui vont finir par débarquer en Europe. En Ukraine, évidemment les accords de Minsk, qui doivent être appliqués – par l’Ukraine et pas de mission de paix, avec un déploiement de soldats dans l’Est de l’Ukraine, mais possibilité d’une mission de monitoring, à l’instar de l’OSCE. Il n’y aura pas de nouvelle armée d’occupation dans le Donbass.