Le discours du Premier ministre provoque une levée de boucliers au Parlement

De hauts responsables du Parti républicain d’Arménie (HHK) de l’ancien président Serge Sargsian ont vivement réagi au discours prononcé par le premier ministre Nikol Pachinyan lors de son grand rassemblement sur la place de la République à Erevan le 17 août,

où il avait mobilisé une foule considérable au 100e jour de son mandat, l’accusant de vouloir museler l’opposition, de contourner le Parlement arménien et de chercher à contrôler le pouvoir judiciaire.

N. Pachinyan, qui se posait en apôtre d’une démocratie directe, voire en Périclès arménien, dans cette place de la République qui ne serait rien moins qu’une nouvelle agora dans la plus pure tradition démocratique athénienne, s’était flatté d’avoir rendu le pouvoir au peuple en défendant son bilan. Il avait souligné qu’il tenait son mandat du peuple rassemblé sur cette place, et non de son statut de député dans un Parlement où sa famille politique n’occupe que quelques sièges, alors que l’ancien parti au pouvoir, s’il a perdu sa majorité en raison des défections intervenues dans la foulée de la révolution de velours, en reste la principale force.

Concernant l’indépendance de la justice, il a tenu des propos ambigus, soulignant que la libération récente de l’ancien president R. Kotcharian par la cour d’appel en avait donné la preuve, mais en avait aussi montré les limites, en confirmant qu’une partie des juges du pays serait encore aux ordres, et dépendante donc, de l’ancien pouvoir… et non, comme on l’en suspecte, de l’actuel pouvoir en place depuis 100 jours. Le premier ministre a aussi annoncé qu’il allait déployer ses efforts pour faire voter par ce Parlement par ailleurs présenté comme moribond ou fantomatique des amendements constitutionnels en vue de faciliter la convocation d’élections législatives anticipées. Il a appelé ses partisans à se montrer prêts à faire pressions en ce sens sur les législateurs.

Réagissant à ce discours, le porte-pârole du HHK, Eduard Sharmazanov, a présenté M. Pachinyan comme un “démagogue” qui recourt aux menaces et au chantage pour consolider son pouvoir.

“N. Pachinian a menacé les juges et les opposants, a foulé aux pieds de manière flagrante la présomption d’innocence, réduit à néant les institutions de l’Etat et désigné la rue comme la seule instance décisionnaire [de l’Etat]”, a déclaré dans un communiqué publié ce week end le responsable du HHK. “Comment osez-vous menacer des institutions de l’Etat, les parlementaires et les autres citoyens qui ne partagent pas vos opinions. Comment osez-vous bafouer ainsi la loi et l’Etat”, s’est indigné M.Sharmazanov, qui est aussi vice-président du Parlement, en soulignant que N. Pachinian avait montré, une fois encore, qu’il n’était pas capable de diriger l’Arménie.

“Au cours des 100 derniers jours, vous n’êtes en rien devenu un premier ministre. Pas même un mauvais”, a commenté pour sa part Armen Ashotian, autre responsable du HHK, qui critiquait aussi sévèrement N.Pachinian. Dans un message posté sur sa page Facebook, A.Ashotian ajoutait que le discours de N. Pachinian apportait une touche nouvelle d’autoritarisme” à son exercice “vain” du pouvoir. “Le premier ministre cherche à remplacer les lois, les tribunaux, les agences gouvernementales et les milieux d’affaires par lui-même”, a-t-il ajouté.

Le HHK majoritaire au Parlement arménien s’était résigné à aider N.Pachinian à devenir premier ministre lors d’un second vote au Parlement le 8 mai, après des semaines de manifestations massives qui avaient contraint S.Sarkissian à démissionner. L’ancien parti au pouvoir avait perdu sa majorité dans les semaines qui ont suivi, suite à des défections de plusieurs députés, pour la plupart liés aux milieux d’affaires et sans étiquettes auxquels N. Pachinian avaient promis à mots couverts son indulgence. Mais le HHK reste la première formation politique de l’Assemblée nationale arménienne. Le HHK se montre toujours plus critique à l’encontre de N. Pachinian et de son gouvernement, qui n’a pas ménagé de son côté l’ancien parti au pouvoir, dont le leader S.Sarkissian, rattrapé par des affaires de corruption impliquant son entourage proche, continue à garder profil bas.

Le HHK est sorti de sa réserve après l’arrestation le 27 juillet de l’ancien président Robert Kotcharian, accusé d’avoir violé l’ordre contitutionnel en faisant intervenir l’armée contre les opposants en mars 2008 à Erevan et d’avoir imposé la victoire électorale de S. Sarkissian. Après 15 jours de détention, R. Kotcharian avait été libéré en appel sur décision d’un juge qui faisait valoir son immunité d’ancien président. Une responsable du parti Contrat civil de N.Pachinian, Lena Nazarian, avait souligné samedi 18 août que le nouveau gouvernement ne cherchait aucunement à mettre en place des instances non constitutionnelles dans le pays, mais qu’il avait pour seul objectif de faciliter l’organisation de référendums nationaux et locaux et de permettre aux Arméniens d’élire un nouveau Parlement, plus légitime.

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