Les nouveaux billets vénézuéliens, avec cinq zéros en moins, ont commencé à circuler lundi, première étape d’un plan de relance du président Nicolas Maduro qui tente de faire face à une profonde crise économique poussant des millions de personnes à fuir le pays.
Lundi, jour férié décrété par le chef de l’Etat, les rues de la capitale étaient désertes, la plupart des commerces et des administrations fermées et les transports en commun à l’arrêt, a constaté l’AFP. Ces derniers jours, les Vénézuéliens ont été pris d’une frénésie d’achats et ont formé de longues files d’attente devant les stations-service dans l’attente de ce changement.
Devant certains distributeurs, les Vénézuéliens découvraient la nouvelle monnaie, appelée « bolivar souverain ».
« On est tous dans la même situation. On attend de voir ce qui va se passer », a déclaré à l’AFP Maria Sanchez, commerçante de 39 ans, qui venait d’effectuer un retrait.
Le dirigeant socialiste assure que les nouveaux billets, dont la plus grosse coupure sera de 500 bolivars (50 millions de bolivars actuels, soit environ 7 dollars au marché noir, la référence de facto), sera le point de départ d’un « grand changement ».
Mais les analystes et économistes ne jugent pas viable, voire « surréaliste » le programme du gouvernement, qui prévoit aussi une hausse du salaire minimum de plus de 3.300% (celui-ci étant multiplié par 34), l’assouplissement du rigide contrôle des changes ainsi qu’un nouveau système pour le prix de l’essence.
Ces nouvelles mesures « ne vont faire qu’empirer la vie de tous les Vénézuéliens », a écrit sur Twitter le vice-président américain Mike Pence, qui a demandé au gouvernement de Maduro, qu’il qualifie de « tyrannie », de laisser entrer l’aider internationale.
« Un truc de dingue »
Une conférence de presse du syndicat patronal Fedecamaras était prévue à la mi-journée.
Mais déjà trois des principaux partis d’opposition ont appelé à une grève de 24H mardi contre « des mesures désordonnées et irrationnelles, contradictoires et non viables, qui ne feront qu’accroître le chaos et la crise économique que subit le Venezuela ».
« C’est un premier pas », a affirmé dimanche l’ex-syndicaliste Andrés Velasquez, dont la formation Causa R participe au mouvement. L’objectif, a-t-il assuré, est d’articuler « les protestations sociales », alors que des manifestations isolées contre les pénuries ou la faillite des services publics se multiplient.
« C’est un truc de dingue », estime Henkel Garcia, directeur du cabinet Econometrica, alors qu’une hyperinflation attendue à 1.000.000% fin 2018 sévit au Venezuela.
Dans ce pays autrefois très riche, qui détient les plus grandes réserves pétrolières de la planète, le panorama économique s’est considérablement assombri. La production d’or noir, qui apporte 96% des revenus de l’Etat, a été divisée par deux en dix ans, passant de 3,2 millions de barils par jour (mbj) en 2008 à 1,4 mbj en juillet.
Le déficit s’élève à 20% du PIB et la dette externe à 150 milliards de dollars, alors que les réserves ne sont que de 9 milliards.
« Si vous maintenez le déficit et l’émission désordonnée d’argent (pour tenter d’y faire face), la crise va continuer de s’approfondir », déclare à l’AFP l’économiste Jean Paul Leidenz.
Crise régionale
Les nouveaux billets arrivent 20 mois à peine après l’introduction progressive par le gouvernement de coupures de plus en plus grosses, de 500, 20.000 puis 100.000 bolivars.
Dix ans auparavant, en 2008, l’Etat vénézuélien avait déjà éliminé trois zéros en lançant le « bolivar fort ». Cette fois-ci, il s’agit du « bolivar souverain ».
Ce lancement coïncide avec de graves tensions migratoires dans la régions: les Nations unies estiment que 2,3 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays à cause de la crise.
Le Brésil va envoyer des troupes à sa frontière avec le Venezuela après que des habitants de la ville limitrophe de Pacaraima ont brûlé les camps de fortune de migrants vénézuéliens.
A l’origine des tensions: le vol et l’agression samedi d’un commerçant de Pacaraima attribués à des Vénézuéliens. Caracas a appelé le Brésil à « assurer la sécurité des ressortissants et de leurs biens ».
En Equateur, des migrants vénézuéliens sont bloqués à la frontière, où on leur demande désormais un passeport, que la plupart n’ont pas, au lieu d’une simple carte d’identité.
Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro a demandé sur Twitter aux pays de la région de « maintenir les portes ouvertes au peuple du Venezuela, victime de la pire crise humanitaire que le continent ait connue ».