Le président américain Donald Trump a rejeté mercredi toute accusation d’infraction et contredit son ancien fidèle avocat Michael Cohen, qui affirme avoir acheté « à sa demande » le silence de deux maîtresses présumées.
« Le pire jour de la présidence », « la pression monte »: les analystes s’accordaient à voir dans le double uppercut délivré la veille par des tribunaux contre deux ex-proches de Donald Trump, Michael Cohen et Paul Manafort, un tournant potentiel de son mandat.
En face, la Maison Blanche s’attelait à présenter un front impassible. « Le président n’est pas du tout inquiet. Il sait qu’il n’a rien fait de mal et qu’il y a pas eu de collusion » avec la Russie, a assuré sa porte-parole, Sarah Sanders.
Mais l’ambiance était morose mardi soir dans l’avion présidentiel, selon les journalistes présents. A New York, celui qui s’était dit prêt à « prendre une balle » pour le milliardaire venait d’opérer un spectaculaire retournement: Michael Cohen a plaidé coupable de fraude fiscale et bancaire et de violation des lois sur le financement des campagnes électorales.
L’avocat âgé de 51 ans a reconnu avoir versé 130.000 et 150.000 dollars, pendant la campagne de 2016, à l’actrice porno Stormy Daniels et à Karen McDougal, une ex-playmate de Playboy. Toutes deux affirment avoir eu une liaison avec Donald Trump.
Le but: acheter leur silence « à la demande du candidat », afin d’éviter de lui « porter préjudice », selon Michael Cohen.
Près de Washington, l’ex-chef de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, a été presque simultanément reconnu coupable de fraude fiscale et bancaire. Si ce verdict porte sur ses finances personnelles, il découle de l’explosive enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les soupçons de collusion entre l’équipe de campagne de M. Trump et la Russie.
Contredisant le témoignage sous serment de Michael Cohen, Donald Trump a déclaré sur Fox News qu’il n’avait pris connaissance que « plus tard » des paiements versés aux deux femmes.
« Ce n’est même pas une infraction » aux lois électorales », a-t-il martelé. Les fonds « ne venaient pas de l’équipe de campagne, ils venaient de moi », a-t-il ajouté.
Michael Cohen a « cédé » face à la pression des enquêteurs, avait plus tôt dénoncé M. Trump dans un tweet, accusant le juriste d’avoir « inventé des histoires afin d’obtenir » son accord de négociation de peine. Il a aussi affirmé que certaines infractions admises par son ancien lieutenant n’étaient « pas un crime ».
Sur Fox News et Twitter, Donald Trump a aussi rappelé qu’une amende de 375.000 dollars avait été imposée à l’équipe de son prédécesseur démocrate, Barack Obama, pour avoir enfreint les règles de financement électoral.
Donald Trump a aussi ironisé: « Si quelqu’un cherche un bon avocat, je suggère fortement que vous ne vous attachiez pas les services de Michael Cohen! »
En face, l’avocat de M. Cohen, Lanny Davis, n’a pas mâché ses mots sur la radio NPR, qualifiant le président de « délinquant », « corrompu » et « dangereux pour le Bureau ovale ». Il a également laissé entendre que son client pourrait coopérer avec le procureur Mueller.
Le président américain a en revanche tenu à louer une nouvelle fois publiquement Paul Manafort, le seul parmi tous les Américains poursuivis par l’équipe Mueller à n’avoir pas passé d’accord avec la justice pour éviter un procès.
Il a affirmé sur Twitter avoir un « tel respect pour un homme courageux ».
Incarcéré depuis juin, l’ex-lobbyiste, qui avait tiré des millions de dollars de ses travaux pour l’ex-président ukrainien Viktor Yanoukovitch, soutenu par Moscou, risque, à 69 ans, de passer les prochaines années en prison. Sa peine doit être prononcée à une date non précisée.
En pratique, Donald Trump ne risque pas de poursuites judiciaires tant qu’il occupe le Bureau ovale: le ministère américain de la Justice suit une doctrine selon laquelle un « président en exercice ne peut être inculpé ».
Quant à la perspective d’une possible procédure de destitution au Congrès, elle reste très hypothétique. S’ils espèrent regagner la majorité à la Chambre en novembre, les poids lourds démocrates évitent le sujet, s’employant à dénoncer la « corruption » de proches de Donald Trump.
« Le président a de gros problèmes », s’est toutefois exclamé l’avocat de l’actrice Stormy Daniels, Michael Avenatti, sur CNN. « Et nous sommes à ses trousses ».