Le Paraguay fait machine arrière : après avoir ouvert en mai une ambassade à Jérusalem, emboîtant le pas des États-Unis, le pays sud-américain a rapatrié mercredi sa représentation diplomatique à Tel-Aviv, déclenchant l’ire d’Israël qui a fermé son ambassade à Asuncion.
Entre-temps, Mario Abdo Benitez a succédé à Horacio Cartès à la tête du pays. Les deux hommes, pourtant du même parti Colorado, avaient des avis divergents sur la question.
Dans le communiqué annonçant le retour à Tel-Aviv, le gouvernement paraguayen s’est dit engagé à « contribuer à l’intensification des efforts diplomatiques régionaux et internationaux dans le but de parvenir à une paix élargie, juste et durable au Moyen-Orient ».
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a immédiatement réagi en dénonçant une « décision décevante », « de la plus grande gravité », « qui nuit aux relations bilatérales entre les deux pays ».
Lors du déménagement de la représentation diplomatique de Tel-Aviv à Jérusalem le 21 mai, Mario Abdo Benitez, alors président-élu, avait exprimé son opposition, mais le gouvernement avait maintenu la décision, prise avant l’élection présidentielle remportée par M. Abdo Benitez, descendant de Libanais du côté de son père.
« Alliés historiques »
Élu le 22 avril, Mario Abdo Benitez a pris ses fonctions le 15 août.
« Nos frères et amis d’Israël ne devraient pas prendre ombrage. Il y a plus de 85 pays qui conservent leur ambassade à Tel-Aviv, et nous, nous sommes amis et alliés historiques d’Israël », a déclaré le ministre paraguayen des Affaires étrangères, Luis Castiglioni.
« Il ne faut pas oublier que le vote du Paraguay a été décisif pour la création de l?État d’Israël », a-t-il souligné.
Le ministre a rappelé que son pays respectait des résolutions des Nations unies. « A ce titre, nous devons respecter ces dispositions, disant clairement qu’il est nécessaire de revenir aux frontières antérieures à la guerre de 1967 ».
Le déménagement de Jérusalemn à Tel-Aviv devrait intervenir « de manière immédiate », a précisé le ministre.
De leur côté, les Palestiniens ont annoncé qu’ils allaient ouvrir « immédiatement » une ambassade au Paraguay.
Après les Etats-Unis et le Guatemala, l’ex-président du Paraguay Horacio Cartes avait inauguré le 21 mai à Jérusalem la nouvelle ambassade de son pays en Israël, une démarche de rupture diplomatique qui avait indigné les Palestiniens.
Le Paraguay était devenu le troisième pays à rompre avec le consensus international qui voulait que les ambassades soient installées en dehors de Jérusalem, compte-tenu du statut disputé de la ville et de la persistance du conflit israélo-palestinien.
Les Etats-Unis avaient transféré le 14 mai leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, concrétisant l’une des promesses internationales les plus controversées du président Donald Trump.
Viande « casher » paraguayenne
Le Paraguay fournit 40% de la viande bovine consommée en Israël, sous la supervision d’institutions juives, chargées de faire respecter le cahier des charges pour obtenir le label « casher ».
Anibal Bakir, membre du Conseil islamique d’Amérique latine et des Caraïbes, a applaudi la décision du Paraguay qu’il a qualifiée de « juste ».
« Le transfert des ambassades du Guatemala et du Paraguay n’est pas dans la tradition diplomatique des pays d’Amérique latine », a-t-il déclaré à l’AFP. « Reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est source de tensions. Jérusalem est la capitale éternelle et légitime de l?État de Palestine, qui garantit les droits des chrétiens et des juifs », a-t-il ajouté.
Israël, pour qui tout Jérusalem est sa capitale « éternelle » et « indivisible », s’est emparé de Jérusalem-Est en 1967 et l’a annexée.
Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l?État auquel ils aspirent, et voient dans le transfert des ambassades la négation de leur revendication.
Pour la communauté internationale, Jérusalem-Est est un territoire occupé et les ambassades ne doivent pas s’installer à Jérusalem tant que le statut de la ville n’a pas été réglé par la négociation entre les deux parties.
Une importante communauté libanaise, des sunnites et des chiites, vit au Paraguay et avait critiqué la décision de l’ex-président Horacio Cartès.
« L?Amérique latine doit être un facteur de paix, pas de division. Installer une ambassade à Jérusalem n’apporte rien à la paix, au contraire », a souligné M. Bakir.