Syrie : « Vague migratoire majeure en cas d’attaque à Idleb »

Le nombre de civils qui mourront sera sans précédent en cas d’éventuelle attaque contre Idleb, a confié Izzet Sahin, membre du Conseil exécutif de la Fondation turque d’aide humanitaire pour les Droits Humains et les Libertés (IHH).

« Dans le cas d’une éventuelle attaque contre Idleb, le nombre de morts sera sans précédent en raison de la forte concentration de civils dans la province. Les blessés également seront nombreux. Les individus qui vivent au quotidien grâce aux aides acheminées par la Turquie ne pourront plus recevoir ces aides et se retrouveront, à cause de la guerre, face à la famine et à la mort. Il y aura une très grande vague migratoire. »

Dans son interview, Sahin a précisé qu’Idleb au regard de sa dimension humaine, et en dehors de tout débat récent, peut être considérée parmi les régions les plus nécessiteuses au monde.

– « Idleb a accueilli la plus grande migration interne »

Sahin a rapporté qu’Idleb qui accueillait, autrefois, entre 500 mille et un million d’habitants n’était pas une région très peuplée.

Très vite, la province est devenue la seule issue de secours des Syriens qui doivent choisir entre se rendre, mourir ou se diriger vers le Nord.

« Ce que l’on entend par le Nord c’est la région d’Idleb entre les mains des forces de l’opposition, Jarablus, libérée par la suite par la Turquie et les régions d’Afrin. Mais c’est Idleb qui accueille la plus grande vague de migration interne. Des migrations provenant d’Alep, de Hama, d’Homs, de la Ghouta et de Dera. Le nombre d’habitants à Idleb a atteint 3,5 à 4 millions de personnes. »

Selon Sahin, les migrants arrivés dans l’espoir de pouvoir se réfugier dans la zone la plus sûre du pays craignent, une fois encore, d’être contraints à l’exode ou de subir des massacres massifs.

« Ces craintes ne sont pas infondées. En effet, l’anxiété des habitants augmente face au déploiement des soldats du régime de chaque côté de la région d’Idleb ou encore en raison des bombardements d’intimidation effectués sur vingt régions syriennes par la Russie depuis ces trois derniers jours. »

Sahin a précisé que trois solutions peuvent être arrêtées à l’issue du sommet qui se tiendra vendredi entre la Turquie, l’Iran et la Russie.

Indiquant que la Turquie lutte afin de pouvoir maintenir ses douze points d’observation établis dans la zone de désescalade d’Idleb afin d’y assurer la sécurité, Sahin a partagé qu’environ quatre millions de personnes vivant dans la province souhaitent que la Turquie continue de maintenir la sécurité sans que les bases russes ne se retrouvent face à aucune menace.

La seconde hypothèse serait, selon Sahin, celle où la Russie tenterait d’obtenir plus de résultats grâce à l’invasion de certaines régions de l’est et de l’ouest d’Idleb, entraînant les forces de l’opposition à s’éloigner de la région et à se condenser sur un petit fragment de terre.

« Dans une telle hypothèse, la migration des 700 mille personnes, telle que prévue par les Nations Unies au cours des mois précédents, s’effectuera. Il n’y a qu’un seul endroit où ces gens pourront se rendre faute de zone plus sûre en Syrie. Soit ils tenteront d’aller en Turquie en forçant la frontière turque soit ils essayeront d’atteindre les régions sécurisées lors du Bouclier de l’Euphrate et du Rameau d’Olivier, et ce, afin de sauver leur vie. »

« La troisième hypothèse est l’occupation d’Idleb par le régime syrien de façon à inclure Idleb parmi les zones sous son contrôle à l’instar de la Ghouta, Dera et Alep. Dans une telle situation, il est impossible d’envisager l’ampleur du massacre et de la crise humanitaire qui se produira. Dans le cas d’une éventuelle attaque contre Idleb, le nombre de morts sera sans précédent en raison de la forte concentration de civils dans la province. »

Indiquant qu’une immense migration humaine pourrait être le cas, Sahin a précisé que des centaines de milliers de Syriens seront contraints à l’exode en cas d’attaque partielle. Ce chiffre atteindra des milliers en cas d’attaque généralisée au sein de la province.

« Appel aux dons de farine »

Rappelant que la Turquie accueille environ quatre millions de réfugiés syriens, Sahin a souligné le poids que cela signifie.

« Autant (quatre millions) de gens vivent à Idleb. Lorsque ces personnes, qui se retrouveront face à la mort, arriveront à la frontière turque, la Turquie sera contrainte de leur ouvrir les portes conformément au droit international et aux principes humanitaires. Dans un tel cas, la Turquie ne pourra subvenir à tous leurs besoins de sorte qu’ils se dirigeront vers les frontières occidentales et forceront l’entrée de ces pays. Dans une telle situation l’ensemble des pays de l’Union européenne deviendront une cible. »

En outre, Sahin a expliqué que dix centres de coordination on été mis en place dans les régions d’Afrin, Idleb et celles sécurisées lors du Bouclier de l’Euphrate.

« Environ 150 000 personnes bénéficient des aides distribuées via nos six conteneurs et 33 tentes. Des repas sont distribués aux réfugiés grâce à 61 fourneaux et trente cuisines. 35 magasins répondent aux besoins vestimentaires. Des écoles, des orphelinats, des centres de soins et 14 institutions sanitaires répondent aux besoins des réfugiés. »

Face aux menaces qui sévissent ces derniers temps, l’Agence a fait appel à l’ensemble des donateurs en Turquie, aux équipes qui travaillent sur le terrain en Syrie ainsi qu’aux centres de coordination qui se trouvent dans la région, a rapporté Sahin.

En effet, un appel a été lancé sur l’ensemble de la Turquie afin de les inviter à donner de la farine, besoin de base des fourneaux.

De plus, une campagne destinée à mettre en place des tentes afin d’accueillir les réfugiés en cas de vague migratoire a également été lancée.

« Dans une telle hypothèse, nous tenterons de subvenir aux besoins, comme ce fût le cas auparavant, dans les camps de réfugiés où nous distribuerons nourriture, matériel d’hygiène et où nous prodiguerons des soins. »

Par ailleurs, Sahin a rappelé que 990 enfants orphelins vivent dans le centre d’orphelinat construit dans le district de Reyhanli de la province turque de Hatay (Sud) sachant que plus de 10 mille orphelins bénéficient chaque mois des aides données par l’Agence.

De 2012 à 2018 l’İHH a acheminé plus de 360 millions 605 mille dollars d’aide humanitaire aux réfugiés syriens.

Enfin, soulignant la nécessité de toujours maintenir la dimension humaine au premier plan, Sahin a invité l’ensemble des bénévoles à contribuer aux aides afin de pouvoir surmonter, une fois de plus, cette rude épreuve.