Suède : l’extrême droite ne parvient pas à bouleverser le paysage politique

La coalition de gauche au pouvoir serait au coude à coude avec l’alliance de droite, loin devant le parti antimigrants, crédité de 16 à 19 % des voix.

Rarement, en Suède, des résultats d’élections ont été aussi attendus. Et lorsque les premières estimations sont tombées, à 20 heures, peu de partis avaient des raisons de se réjouir. Les Démocrates de Suède (SD), l’extrême-droite locale, qui avait obtenu 13 % au dernier scrutin, progressent encore avec un score qui se situerait entre 16 et 19 %. Loin des 25 % promis par certains sondages et de l’espoir de devenir le premier parti du pays.

Cette position, comme depuis un siècle, est détenue par les Sociaux-Démocrates. Une «victoire» qui a aussi un goût amer: le principal parti de gauche passe en effet de 31 % à 25 %-26 %, ce qui constitue le plus mauvais résultat de son histoire. Même les Modérés, à droite, font grise mine, en perdant eux aussi cinq points avec seulement 18 % des voix.
Pour l’éditorialiste Matilda Molander, ce paysage politique scindé en trois blocs augure de longues négociations dans les jours qui viennent: «Gauche et droite sont au coude à coude, à 40 % chacun, et tout va dépendre des discussions avec les petits partis. Quoi qu’il en soit, ajoute-t-elle, le gouvernement sera minoritaire.»
La progression moins éclatante que prévue des Démocrates de Suède est aussi un fait marquant de ces élections. «Dans les derniers sondages ils baissaient, remarque le sondeur Toïvo Sjoren. Pendant l’été le débat autour de l’immigration a été remplacé par celui sur le changement climatique, à cause des canicules et des incendies que nous avons subis en Suède… et les SD ne sont pas très bons sur ces questions.»
Car c’est bien ce sujet, l’immigration, qui a fait monter l’extrême-droite au cours de ces dernières années. La Suède, qui a reçu 400 000 demandeurs d’asile depuis 2012 – soit un effort inégalé en Europe pour une population de dix millions d’habitants – s’est très vite retrouvée face à des difficultés. Dès 2015, le gouvernement du social-démocrate Stefan Löfven avait dû imposer à nouveau un contrôle strict aux frontières. Les Modérés ont aussi remisé aux oubliettes les discours de leur ancien Premier ministre, Fredrik Reinfeld, qui avait déclaré en 2014 que les Suédois devaient «ouvrir leur cœur» aux réfugiés. Mais ce sont les Démocrates de Suède, qui considèrent l’immigration comme «une menace économique et culturelle», qui profitent aujourd’hui de cette situation.
Et le parti de Jimmie Åkesson, qui jusque là était ostracisé par les autres formations politiques, entend bien profiter de son nouveau statut. Pour Mattias Karlsson, président du groupe Sverigedemokraterna au parlement, «il est temps (que les autres partis) prennent leurs responsabilités et se mettent à discuter avec SD». Samedi soir, en meeting dans la capitale, Jimmie Åkesson avait même lancé un ultimatum au leader de la droite: «Kristersson a 24 heures pour répondre à la question: es-tu prêt à coopérer avec moi ou avec Stefan Löfven?»

En Suède, pays du consensus, de l’État-providence, et où l’on s’est longtemps prévalu d’une politique d’ouverture envers les étrangers, cette ombre menaçante de l’extrême-droite reste pour beaucoup un véritable traumatisme. Dans les locaux des sociaux-démocrates du quartier de Södermalm, à Stockholm, les militants ne pouvaient cacher leur émotion: «Les SD sont des fascistes, ils ont longtemps eu des relations avec les groupes néo-nazis du pays, rappelle Åsa Odin Ekman, qui dirige cette section locale. Nous devons rester fiers de notre politique d’asile, car l’identité suédoise, elle est là.»

Une identité qui sera portée pour les quatre prochaines années par un chef de gouvernement dont personne ne connaît encore le nom. Aucun camp, ni le bloc «rouge-vert» sortant, ni l’opposition «bourgeoise», n’étant à même d’obtenir plus de 50 % des 349 mandats en jeu au parlement suédois, de laborieuses tractations seront nécessaires pour trouver une majorité, ou la moins faible des alliances.

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