Le niveau de vie en Suisse est l’un des plus élevés d’Europe. Pourtant, 7,5 % de Suisses ne parviennent pas à joindre les deux bouts, contre 5,9 % en 2013.
Les chiffres donnés par l’Office fédéral de la statistique risquent de faire sursauter les Français. Un pauvre en Suisse est une personne seule qui perçoit moins de 2 247 francs suisses par mois, soit 2 022 euros. Pour une famille, composée de deux adultes et de deux enfants de moins de quatorze ans, le seuil est fixé à moins de 3 981 francs suisses par mois, soit 3 583 euros. En France, un individu est considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels après impôts et prestations sociales sont inférieurs à 846 euros. Mais difficile, en Suisse, de dénicher un studio à moins de 1 500 francs suisses de loyer mensuel. Quant à l’assurance privée, obligatoire (il n’y a pas de Sécurité sociale), elle ponctionne au moins 350 francs suisses par personne. La Suisse est un pays riche, peu armé pour venir en aide à ceux qui ont peu de moyens.
L’article 12 de la Constitution helvétique garantit que « toute personne vivant en Suisse doit pouvoir accéder à des conditions d’existence décentes », rappelle le quotidien Le Temps, dans son éditorial intitulé « Un emplâtre sur une jambe de bois ». Mais est-on plus avancé quand on a lu cela ? En 2013, la Confédération comptait 5,9 % de pauvres, en 2015 7 %, et en 2016 (derniers chiffres disponibles) 7,5 %. Cela représente 616 000 personnes, dont 108 000 enfants et 141 000 travailleurs pauvres. En effet, si les salaires sont souvent élevés (un cadre moyen travaillant pour l’État de Genève perçoit autour de 10 000 francs suisses, le salaire médian en Suisse étant de 6 400 francs suisses), il n’existe pas de revenu minimum. Et surtout, les temps partiels se multiplient, comme dans les pays voisins, notamment dans le bâtiment et l’hôtellerie-restauration.
Les retraités les plus touchés
Alors que la Suisse enregistre une croissance solide (2,3 %) et ne compte que 2,4 % de chômeurs, les pauvres sont souvent des indépendants, des personnes ayant un contrat de travail à durée déterminée ou qui n’ont travaillé qu’une partie de l’année. Surtout, ce sont les retraités qui constituent le plus fort bataillon de pauvres (30,4 %). Or, constate le quotidien lausannois, la Confédération n’a pas de politique active pour lutter contre la précarisation des retraités. Elle laisse les cantons et les communes, ainsi que les associations caritatives, assister cette minorité silencieuse grâce à des aides sociales.
En Suisse, on permet aux personnes sans le sou de maintenir leur tête juste au-dessus de l’eau pour que cela ne fasse pas désordre dans le paysage (avec des mendiants dans la rue). Mais pratiquement rien n’est fait pour leur permettre de sortir de la pauvreté. L’Office fédéral de la statistique conclut presque naïvement qu’une attention particulière doit être vouée dorénavant « à la problématique de la pauvreté des personnes actives occupées. En effet, l’exercice d’une activité rémunérée est considéré comme étant un moyen de réduire le risque d’être touché par la pauvreté. » Le deuxième pays le plus riche d’Europe après le Luxembourg découvre qu’à son tour elle fabrique des travailleurs pauvres. Des personnes qu’il est d’autant plus difficile à secourir que ce n’est pas dans la culture helvétique de demander de l’aide. Dans les campagnes et les petites communes, certaines personnes licenciées ne perçoivent pas leur chômage, faute de s’être rendues dans un office de placement, de peur d’être vues par leurs voisins.