Le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont cherché mardi à désamorcer une crise après que les forces syriennes ont abattu accidentellement un avion russe à la suite de frappes israéliennes en Syrie.
Cet incident inédit est survenu alors que la Russie, alliée de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles, ont annoncé un accord sur la province d’Idleb, éloignant à court terme la perspective d’une offensive du régime contre ce dernier grand bastion insurgé dans le nord-ouest syrien.
Lundi soir, un Illiouchine-20 russe a été abattu au large de la Syrie, par erreur selon Moscou, par la défense antiaérienne syrienne. Quinze membres d’équipage ont été tués, selon le ministère de la Défense russe.
Les forces syriennes ont ouvert le feu pour intercepter des missiles israéliens, selon Moscou, visant des dépôts de munitions dans la province côtière de Lattaquié (nord-ouest), un bastion du président Bachar al-Assad.
Il s’agit du plus grave incident entre les deux alliés depuis que Moscou est intervenu militairement fin 2015 en Syrie pour épauler le régime de Damas, alors affaibli face aux rebelles et aux jihadistes.
L’appareil a été « abattu par un système de missiles S-200 » de l’armée syrienne, a précisé le ministère russe de la Défense.
L’armée russe a, dans un premier temps, jugé Israël responsable du drame en raison des tirs de missiles sur Lattaquié, imputés par Moscou à quatre F-16 israéliens, et qui ont fait deux morts et 10 blessés, dont des soldats syriens, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
« Les pilotes israéliens, en se couvrant avec l’avion russe, l’ont placé sous le feu de la défense antiaérienne syrienne », a accusé le ministère russe.
Le président russe Vladimir Poutine a ensuite parlé d' »un enchaînement de circonstances accidentelles tragiques », semblant adopter un ton plus conciliant envers Israël.
« Danger d’erreurs de calcul »
Lors d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, M. Poutine lui a néanmoins rappelé que « de telles opérations par les forces aériennes israéliennes violent la souveraineté syrienne », selon un communiqué du Kremlin.
« Le président russe a exhorté le camp israélien à ne pas permettre que ce genre de situations se reproduise », a ajouté le Kremlin.
L’armée israélienne a de son côté contesté que son aviation se soit servie de l’appareil russe comme couverture.
Dans un communiqué, fait rare, elle a reconnu que ses appareils avaient attaqué un site de l’armée syrienne d’où, selon elle, des systèmes entrant dans la fabrication d’armes étaient en passe d’être livrés pour le compte de l’Iran au mouvement chiite libanais Hezbollah, bête noire d’Israël.
« Israël tient le régime d’Assad, dont l’armée a abattu l’avion russe, pour entièrement responsable de ces incidents », a déclaré l’armée, faisant état de sa « tristesse » pour les morts russes.
Lors de la conversation téléphonique avec M. Poutine, M. Netanyahu a indiqué qu’Israël restait prêt à agir contre l’Iran en Syrie, en évoquant notamment « les tentatives » de ce pays de transférer au mouvement libanais Hezbollah « des armes (…) (destinées à) être utilisées contre Israël ».
Il a en outre proposé que son pays aide les Russes dans l’enquête.
Ces derniers mois, Israël a multiplié les frappes en Syrie contre le régime ou son allié iranien, l’Etat hébreu martelant qu’il ne permettrait pas à l’Iran de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui.
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a exprimé sa « peine » pour la mort de l’équipage de l’avion russe.
Cet « accident malheureux (…) nous rappelle la nécessité de parvenir à des solutions permanentes, pacifiques et politiques aux nombreux et inextricables conflits de la région, ainsi que le danger d’erreurs de calcul tragiques » en raison du grand nombre d’acteurs présents, a-t-il dit dans un communiqué.
« Assurer un accès humanitaire »
Sur le front diplomatique, un accord a été dévoilé lundi soir par la Russie et la Turquie sur la province d’Idleb, avec la création d’ici au 15 octobre d’une « zone démilitarisée » dans ce dernier grand bastion insurgé en Syrie.
A court terme, l’initiative éloigne la perspective d’une offensive du régime et de son allié russe, et devait apporter un répit dans un pays déchiré depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 360.000 morts.
C’est notamment grâce au soutien militaire de Moscou que le régime syrien a multiplié les victoires face aux rebelles et jihadistes, jusqu’à consolider son emprise sur près des deux-tiers de la Syrie.
Ces dernières semaines, il avait massé des renforts aux abords d’Idleb, frontalière de la Turquie, entraînant des mises en garde de l’ONU et d’ONG contre une « catastrophe humanitaire ».
L’accord dévoilé par la Russie et la Turquie prévoit la création d’une zone de 15 – 20 km de large devant servir de zone-tampon entre les territoires insurgés et les zones gouvernementales alentours.
Elle sera contrôlée par les forces turques et la police militaire russe et toutes les armes lourdes devront en avoir été retirées d’ici au 10 octobre.
Les autorités de Damas et de Téhéran ont salué cet accord, tout comme le secrétaire général de l’ONU.
Antonio Guterres a appelé « toutes les parties en Syrie à faire appliquer cet accord et assurer un accès humanitaire sûr et sans entrave dans toutes les zones ».