Artur Vanetsian, le chef du Service de la sécurité nationale d’Arménie (SSN), a annoncé jeudi 27 septembre qu’il allait étayer “bientôt” par des preuves tangibles ses récentes accusations relatives à des faits de corruption dont se se serait rendu coupable l’ancien président Robert Kotcharian.
Dans le collimateur de la justice arménienne qui l’avait arrêté le 27 juillet, dans le cadre de l’enquête sur la répression postélectorale du 1er mars 2008 puis l’avait libéré le 13 août en appel en raison de son immunité d’ancien président, R. Kotcharian est aussi suspecté d’avoir amassé une fortune considérable en abusant de ce même statut. Le premier ministre Nikol Pachinian lui-même avait directement accusé de corruption l’ancien président, révélant sur la place publique, lors d’un meeting à Erevan, des transactions douteuses qui lui auraient permis de s’enrichir. Des accusations que l’ancien président avait mises sur le compte de la guerre personnelle que livrerait le nouveau premier ministre contre l’ancien président, qui a annoncé son retour sur la scène politique dans le rôle de principal opposant.
Outre les déclarations de N. Pachinian, qui l’avait nommé peu après son accession au pouvoir le 8 mai, à la tête de ce puissant service, A.Vanetsian avait indiqué le 11 septembre que le SSN avait lancé une enquête pour “blanchiment d’argent” portant sur des biens d’un montant estimé selon lui à plusieurs centaines de millions de dollars appartenant à R.Kotcharian et à sa famille.
“Nous publierons à qui appartient tout cela et comment l’acquisition en a été faite”, avait déclaré A.Vanetsian lors d’une conférence de presse sur fond de scandale procoqué par des écoutes téléphoniques qui auraient démontré les liens entre le chef du SSN et celui d’un autre service tout aussi puissant, le Service spécial d’investigation (SSI) et leurs éventuelles pressions sur des magistrats en vue de « mettre en prison » R. Kotcharian, comme l’a affirmé le principal intéressé, en s’emparant du contenu de ces écoutes qui fait d’ailleurs l’objet d’une enquête d’une commission parlementaire, qui cherche à établir s’il y a eu abus de pouvoir ou obstruction à la justice.
C’est le SSI qui avait ordonné l’arrestation fin juillet de R. Kotcharian, sous l’accusation de violation de l’ordre constitutionnel et de coup d’Etat pour avoir fait intervenir l’armée fin février 2008 afin d’imposer la victoire électorale jugée illégitime de S. Sarkissian, qui était alors son dauphin, à la présidence de la République. Libéré deux semaines après sur décision d’un juge de la Cour d’appel, R. Kotcharian a récusé avec véhémence de telles allégations et poursuites, dénonçant les motivations politiques qui les animeraient. Il a désigné les appels téléphoniques, surpris d’ailleurs par des écoutes illégales, entre A. Vanetsian et le chef du SSI, Sasun Khachatrian, lui aussi nommé par N. Pachinian peu après son investiture, comme une preuve supplémentaire de la « vendetta » que lui livrerait l’actuel premier ministre, qui était en première ligne aux côtés de Levon Ter Petrossian, l’ancien président et candidat malheureux aux présidentielles de 2008, dans les manifestations contestant la victoire de S. Sarkissian, dont la répression fera 10 morts, dont 2 policiers et vaudra deux années de prison à N. Pachinian.
Ces écoutes téléphoniques sont plutôt embarrassantes pour A.Vanetsian, que l’on entend confier à S.Khachatrian qu’il avait donné à un juge de tribunal de district l’ordre de valider l’arrestation de l’ancien président. Les directeurs des deux services ont donné une conférence de presse conjointe le 11 septembre quelques heures après la diffusion du contenu des écoutes par les grands media arméniens. Ils ont alors justifié la nécessité de poursuivre l’enquête en cours du SSI visant R. Kotcharian pour la répression de 2008, mais ont également accusé l’ancien président pour des faits de corruption. A.Vanetsian avait alors souligné qu’il serait interrogé dans le cadre de l’affaire de blanchiment d’argent.
Le chef du SSN est revenu à la charge jeudi 27 septembre pour signaler que ses enquêteurs poursuivaient leur travail relatif aux possessions de la famille Kotcharian et qu’après inventaire, ils rendraient publiques leurs conclusions “bientôt”. Mais il n’a pas fourni plus de précisions. Dans le même temps, un avocat de R.Kotcharian, Aram Orbelian, a indiqué au service arménien de RFE/RL que son client n’avait à ce jour pas été mis en accusation, pas même interrogé, concernant ces allégations de corruption. R.Kotcharian, qui a présidé aux destinées de l’Arménie de 1998 à 2008, a toujours démenti les rumeurs d’enrichissement personnel dont lui et sa famille sont l’objet. Il s’est contenté d’indiquer que ses deux fils étaient des chefs d’entreprises qui semblent plutôt florissantes, au regard de la fortune que l’on suspecte la famille de l’ancien président d’avoir amassée. Son fils aîné Sedrak avait engagé la semaine précédente une procédure en diffamation visant A. Vanetsian.