Le chanteur le plus connu de la diaspora arménienne n’a jamais renié ses origines. Tout au long de sa carrière, ce fils d’immigrés a défendu la cause de ce petit pays de Caucase setant sur le plan humanitaire que diplomatique.
« Je suis 100 % français, 100 % arménien », se plaisait-il à dire. « Les deux sont inséparables comme le lait et le café », avait-il ironisé en recevant, à 93 ans, sa fameuse étoile sur le Walk of Fame de Hollywood Boulevard, à Los Angeles. Ces formules résument à elles seules l’engagement de Charles Aznavour, décédé lundi 1er octobre à l’âge de 94 ans, pour son pays d’origine.
Ses parents, Arméniens tous deux, ont fui les conséquences du traité de Lausanne, qui faisait de l’Arménie une province turque et se retrouvent à Paris le temps d’obtenir un visa pour émigrer aux États-Unis quand le petit s’est annoncé. Né Charles Varenagh Aznavourian, le légendaire chanteur aurait dû porter le prénom arménien de Shahnourh, mais a finalement été francisé en Charles par la sage-femme, selon une biographie parue en 2006. Il grandit à Paris et passe du temps dans le restaurant de ses parents, Le Caucase, rue de la Huchette, où transitent de nombreux exilés d’Europe centrale.
À ses débuts, Charles Aznavour ne renie rien de ses racines mais cherche surtout à « devenir Français d’abord, dans ma tête, dans mon cœur, dans ma manière d’être, dans ma langue ». Dans les années 50, alors que l’artiste peine à faire carrière, il se fait opérer du nez sous les conseils de sa marraine, Edith Piaf. « Mon nez était le mien, je n’aurais pas pensé à en changer. Un nez arménien en quelque sorte », confie-t-il à Bertrand Dicale, auteur de « Tout Aznavour ». En 2003, l’artiste reconnaît avoir « abandonné une grande partie de [s]on arménité pour être Français ».
Dans les années 1960, il s’est rende sur place pour une tournée mondiale et 1975 pour que l’auteur revendique son arménité dans ses chansons. Il écrit et interprète « Ils sont tombés » pour évoquer le génocide arménien
« Ils sont tombés/Sans trop savoir pourquoi/Hommes, femmes et enfants/Qui ne voulaient que vivre/Avec des gestes lourds comme des hommes ivres/Mutilés, massacrés, les yeux ouverts parfois ».
Ce titre est enregistré à Londres dans la nuit du 23 au 24 avril 1975, soit exactement soixante ans après la rafle des intellectuels arméniens du 24 avril 1915 à Constantinople.
Encore aujourd’hui, une place d’Erevan, la capitale, porte son nom, et une statue du plus connu des Arméniens a été érigée à Gyumri, deuxième ville du pays.
« Il était la preuve que les identités se juxtaposent et ne s’opposent pas », résume sur France 24 le réalisateur d’origine arménienne Robert Guédiguian. « C’est une perte énorme pour le peuple arménien, pour le peuple français. C’est une perte universelle », a réagi Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien.