Charles Aznavour, ambassadeur à vie du peuple arménien

Ses parents ont émigré en France après le massacre d’une partie de leur famille à la fin de la Grande Guerre. Le chanteur n’a cessé d’avoir son pays d’origine au cœur, plus encore depuis le terrible tremblement de terre de décembre 1988.

Tout au long de sa carrière, Charles Aznavour n’a cessé de parler de son «arménité», tout en se revendiquant français. «À mes débuts, lorsque je me rendais en Arménie, on me disait: “Ah vous êtes revenu au pays” ; et je répondais: “Non, mon pays, c’est la France”.»

Arménien de souche fière de ses origines, Aznavour fut à l’avant-garde des efforts de la diaspora arménienne pour aider les victimes du séisme catastrophique de Spitak, ayant dévasté une grande partie de l’Arménie en 1988. Quelques jours après la catastrophe, il crée l’association Aznavour pour l’Arménie afin de collecter vêtements et nourriture pour les rescapés.

En 1989, il sort la chanson Pour toi, Arménie et organise une série de concerts de bienfaisance. En 2017, Aznavour et son fils Nicolas fondent la Fondation Aznavour pour développer et implanter des programmes éducatifs, sociaux et culturels en Arménie, en créant le Musée Charles Aznavour à Erevan.

Après l’indépendance de l’Arménie en 1991, Aznavour a été proposé de devenir ambassadeur de la jeune république en Suisse et a presque accepté de prendre ce poste. «Le président de l’Arménie m’a offert une fois de devenir l’ambassadeur à Genève», se souvenait Aznavour. En 1995, Il est nommé ambassadeur et délégué permanent de l’Arménie auprès de l’Unesco à Paris. Une place du centre-ville d’Erevan, la capitale arménienne, porte son nom depuis 2001. Le président Serge Sargsian lui a plus tard accordé la citoyenneté arménienne. Le chanteur a également reçu la décoration la plus haute du pays, le titre de «héros national», en 2004.

L’histoire familiale d’Aznavour fut étroitement liée au Génocide arménien de 1915. «Mon père, Micha Aznavourian, était un Arménien de Géorgie. Dans ce pays, il n’y a pas eu de génocide. Il était chanteur et a dû se rendre en Turquie pour donner un concert. À l’époque, il avait des papiers russes, c’est ce qui l’a sauvé! Là, il a rencontré ma mère Knar Baghdassarian qui était originaire d’Ada-Bazar et l’a épousé. Ma famille maternelle a été totalement massacrée. Il n’y a que ma mère et mon arrière-grand-mère qui ont survécu», racontait le chanteur.

Aux côtés de François Hollande à Erevan lors de la commémoration du centenaire en 2015 du Génocide, Aznavour fut extrêmement critique envers le président turc Tayyip Erdogan et son choix de nier la tragédie. «L’attitude d’Erdogan nuit considérablement aux générations à venir: ils vont être obligés de porter un fardeau qui n’est pas le leur», préconisait le chanteur. Il avait même fini par en rire lorsque le 27 octobre 2016, il avait reçu au théâtre Pantages de Los Angeles, en reconnaissance de son œuvre et de son engagement en faveur de la communauté arménienne, une distinction honorifique. «Ce qui m’amuse beaucoup, c’est que la Turquie a raté quelque chose, ils n’ont pas un seul grand chanteur, j’aurais été un chanteur turc et aujourd’hui je suis un chanteur français, ce qui prouve que les génocides ne servent à rien, il y a toujours des survivants», lançait-il alors.

Pour le premier ministre arménien Nikol Pachinyan, le décès d’Aznavour «est une grande perte pour l’Arménie, le peuple arménien, c’est une grande perte pour la France, les Français et l’humanité tout entière». Avec sa mort, «la France perd un artiste prodigieux, un géant de la chanson française qui aimait faire partager sa passion pour les mots et la langue française à travers ses chansons. L’Arménie perd aussi un ambassadeur de sa culture et de son histoire, un exemple d’une double culture réussie, source de richesse», estime aussi Jacques Ouloussian, le président de l’association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne.

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