François Burgat : L’islamophobie et le racisme se nourrissent mutuellement

François Burgat, directeur de l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), a fait part de ses observations au sujet de la montée de l’islamophobie en Europe.

Rappelant les discriminations subies en Allemagne par le footballeur d’origine turque, Mesut Ozil, François Burgat a souligné que l’ancien capitaine de l’équipe de France, Zinedine Zidane, d’origine algérienne, a été confronté il y a vingt ans à des attaques similaires.

Alors que le succès d’un joueur de nationalité française est considéré comme celui de la communauté française, son échec sera uniquement le sien et son identité « étrangère » sera mise en avant, a expliqué Burgat rappelant la déclaration d’Ozil qui affirmait, de la même manière: « lorsque nous gagnons nous sommes Allemands alors que nous sommes étrangers lorsque nous perdons ».

– Entre marginalisation et ressemblance

Concernant l’idée d’ « hégémonie unilatérale », Burgat a signalé que les attaques racistes remontent à deux ou trois générations.

« Il faut examiner l’ordre colonial de l’Europe et sa domination afin d’expliquer cette situation. A titre d’exemple, nous pouvons remonter aux relations de la France avec l’Algérie dans les années 1830. Nous [les Français], avons détruit l’épine dorsale culturelle de ces sociétés. Pendant des années, nous les avons marginalisés et avons demandé à ce que ces individus nous ressemblent. C’est là, le résultat de l’idée d’une ‘’hégémonie unilatérale’’. »

Selon Burgat, ce sont ces types de développements historiques qui ont marqué le début des incidents à caractère raciste.

« Celui qui perd sa souveraineté peut recourir à des méthodes tyranniques. Il n’est pas simple pour les civilisations qui soutiennent la démocratie, les droits de l’Homme et le respect de l’autre de reconnaître que les autres sociétés dans le monde sont égales en droit. »

– La relation en spirale du racisme et de l’islamophobie

L’islamophobie et le racisme sont dans une relation en spirale et se nourrissent mutuellement, a partagé Burgat. Selon lui, le racisme n’est pas différent de la discrimination religieuse.

« Le racisme est un cri inutile. Il y a un exemple que je raconte à mes élèves à ce propos. Il y a trente ans, mon père qui travaillait dans une usine d’acier, m’a montré des bus à l’intérieur de l’usine et m’a dit: ‘’Nous les avons envoyés vides dans le Rif (au Nord du Maroc). Ils sont revenus pleins. Si ces gens n’étaient pas venus travailler ici, cette usine n’aurait pu accéder à cette prospérité.’’ C’est un souvenir qui résume clairement la nuisance du racisme. »

Indiquant que chaque religion dispose de caractéristiques qui lui sont propres, Burgat a rapporté que le christianisme n’est pas l’unique base légitime pour unir une société multiculturelle en Europe.

Enfin, Burgat a également abordé la question du manifeste, signé par quelques 300 personnes dont l’ancien président, Nicolas Sarkozy, afin de modifier des versets du Coran.

« Il est clair que les personnes radicalisées qui vivent dans les sociétés en Europe n’ont pas une interprétation correcte des Ecritures dans leurs livres saints. En tant que membres de la communauté européenne, nous devons nous interroger sur la raison pour laquelle ces gens ne ressentent aucune appartenance et décident de rejoindre des organisations terroristes au lieu de perdre du temps avec des demandes qui dépassent les limites, comme la modification de versets. De la sorte, nous pourrons empêcher la polarisation sociale. »

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