Nous commençons enfin à comprendre les tenants de cette surprenante affaire Skripal: la stigmatisation des systèmes de renseignement de certains pays.
Comme la qualité de « journalistes » est attribuée de manière sélective en fonction de critères peu objectifs, les « autres » entrant automatiquement dans la catégorie « propagandiste », nous voyons que la pratique courante du renseignement développée depuis des siècles par tous les pays, ayant un minimum de conscience politique, devient inacceptable pour certains pays, les non-alignés, dont la Russie, a priori et sans discussion. Le prétexte Skripal prend alors toute sa dimension: une attaque chronométrée, très bien coordonnée, contre la puissance de la Russie. Car la puissance d’un pays dépend tout autant de la qualité de ses hommes politiques, que de son armée et du perfectionnement de son système de renseignement. Celui-ci est sous le feu. La chasse est ouverte. Dans un combat sans règles.
La communication de la Russie sur l’affaire Skripal, sans même parler de la vidéo de nos deux compères, n’a pas été de la meilleure qualité – pour différentes raisons. Tout d’abord, personne ne comprenait au départ où voulait en venir la Grande-Bretagne avec cet empoisonnement d’un citoyen russe, avec sa fille en plus, sur son territoire, puis la prolongation et la montée en puissance avec cette fois-ci deux citoyens britanniques. Des accusations lancées en pâture, et cela a pris. La Russie a toujours nié son implication dans cette affaire et il est fort probable, puisqu’il est autorisé d’utiliser cette locution faisons-le, que tel soit le cas (elle est la seule partie dans ce scandale à ne pas y avoir intérêt). Tout comme il est fort probable qu’une opération ait été parfaitement préparée par les Britanniques, conduisant au voyage prévu et suivi d’agents russes sur le territoire britannique.
Skripal, comme Bérézovsky, qui lui aussi a connu une mort étrange en Grande-Bretagne, a pu faire savoir qu’il voulait rentrer en Russie (information lancée à un moment donné). Ceci expliquerait aussi le déplacement de sa fille. Et l’attaque contre les deux – ils doivent se taire. Mais ayant survécus et, à la différence de Bérézovsky qui en est mort, il y a de fortes chances que Skripal ait simplement continué son jeu antirusse, voire n’ait jamais été contaminé, puisqu’à la différence de Litvinienko étrangement aucune image d’un Skripal sur lit d’hôpital n’a été diffusé. Si la Russie avait voulu s’en débarrasser, elle aurait pu le faire lors de son arrestation, même simplement en le laissant, par exemple, avaler sa capsule de poison, sans laisser de trace.
Le fait d’avoir nié la présence d’agents sur le territoire et surtout d’avoir impliqué, sans nécessité aucune, le Président dans cette affaire, n’était pas forcément le meilleur choix. Mais qui pouvait savoir à ce moment-là que la saison de la chasse venait d’être ouverte? La faille du renseignement russe est ici, si faille il y a, et non dans toute cette mise en scène de mauvais goût, qui nous est servie par les médias occidentaux.
Ces journalistes se comportent comme des propagandistes, rapportent fidèlement la parole de leurs dirigeants, sans aucun esprit critique, sans prendre le risque de l’éthique professionnelle, comme s’ils découvraient que non seulement les Etats avaient des services de renseignements, mais en plus qu’ils … cherchaient des renseignements sur les sujets sensibles à la sécurité nationale. Vraiment, c’est une découverte impressionnante, surtout après tous les scandales qui ont touché les services spéciaux américains et leur pratique courante de l’écoute secrète non seulement des pays « ennemis », mais aussi « amis », comme ce fut le cas de l’écoute des leaders européens.
Ils se comportent aussi comme si personne ne savait que ces services de renseignement se divisaient en deux : la partie légale et connue du « pays d’accueil » et la partie illégale et secrète.
Et pour continuer, une base de données a été rendue publique, ce qui est présenté comme une grande défaite du renseignement russe. C’est plutôt une infraction primaire et inconsidérée aux règles historiques en vigueur. Si chaque pays rend public sa liste des espions connus qui travaillent sur son territoire, et elle existe dans tous les pays, c’est la fin du renseignement et un coup dur pour la sécurité nationale des Etats.
Maintenant, les arrestations pleuvent, aux Etats-Unis 7 GRU, 4 aux Pays-Bas sont expulsés après que 2 auraient été arrêtés (mais l’on ne sait absolument rien de ce qui s’est ensuite passé, ils auraient même été confondus avec ces super-héros Boshirov/Petrov), ces services du GRU sont accusés de tout, ils sont tout et aucun autre service n’existe en Russie, c’est bien connu. L’Occident en a choisi un qui sonnait bien, le renseignement militaire soit, c’est encore mieux pour relancer une petite guerre froide, plus efficace que bêtement le renseignement extérieur. L’appellation ancienne a été gardée, GRU ça sonne mieux que GUGCh, abréviation qui devrait être employée s’il ne s’agissait pas de communication.
Ca ne vous rappelle rien: tous ces anciens scandales de dopage d’Etat non prouvé, où il est toujours demandé à la Russie de reconnaître sans preuve les accusations gratuites de McLaren, où le TAS a rétabli en masse les sportifs russes accusés dans ce rapport, après que finalement, ce Mondial se soit très passé, que l’Agence russe antidopage ait finalement été rétablie au grand dam des Etats-Unis, du Canada et de l’Allemagne qui s’en sont offusqués.
Il paraît aussi selon les Britanniques, tout autant gratuitement, que notamment Fancy Bear, est lié au GRU. Et ce sont eux justement qui ont publié les listes d’athlètes Américains, Allemands, Britanniques et autres Occidentaux ayant accès aux médicaments sur autorisation des autorités sportives internationales. Notamment des substances qui permettent d’augmenter significativement les résultats.
Ca ne ressemble pas à une vengeance, tout ça? En prime. Tant qu’on y est.
La Grande-Bretagne, elle, continue à jouer son rôle: le GRU est responsable de la cyber-guerre. Rien moins que ça. Et ce, partout dans le monde. C’est le nouveau Mal absolu, comme dans les comics. Ils nous rejouent avec beaucoup moins de style et de finesse l’Affaire Tournesol, la guerre des agents bordures et syldaves, avec enlèvement, espionnage, hautes technologies.
Le ministre britannique des Affaires étrangères accuse ainsi la Russie de mener des opérations sans foi, ni loi, de se comporter finalement comme des bandits.
Cette rhétorique a un arrière-goût de guerre froide qui ne se cache même plus. Quelles conséquences peut-on en tirer? Tout d’abord, c’est le prix à payer pour la Russie pour avoir retrouvé une certaine place à l’international en voulant exister comme centre politique indépendant. Ensuite, et en lien à cela, c’est un des moyens d’affaiblir la Russie, est de couper ses moyens de renseignement, moyens qui sont pourtant utilisés par tous les Etats. Il n’y a donc aucune raison pour que, miraculeusement, d’elle-même, si la Russie se tient tranquille dans son coin, sans régir, pour que cela se calme de soi-même.