La Francophonie, réunie à partir de jeudi à Erevan, doit nommer à sa tête une Rwandaise, consacrant ainsi la victoire de l’Afrique, soutenue par le président français Emmanuel Macron, qui a réaffirmé dans un discours sa vision plurilinguiste de la défense du français.
« Bienvenue en cette terre d’Arménie éneterlle », a déclaré le Premier ministre arménien Nikol Pachinyan, débutant son discours inaugural par un hommage au chanteur franco-arménien Charles Aznavour, décédé quelques jours avant sa venue prévue à Erevan. « Il a porté le nom de l’Arménie« , a souligné M. Pachinyan, avant un concert qui sera tenu jeudi soir en l’honneur de l’artiste.
Le petit pays de trois millions d’habitants, dont 6 % de francophones, accueille son plus grand événement international: 26 chefs d’Etat et 3.500 délégués participent à ce XVIIe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), sorte d’Onu de poche qui réunit 84 pays et territoires.
La grand-messe de la Francophonie doit porter à sa tête, vendredi à la fin du sommet, Louise Mushikiwabo. La ministre rwandaise des Affaires étrangères a la voie libre depuis que le Canada a annoncé, avec le Québec, qu’il retirait son soutien à la secrétaire générale sortante, la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean, qui briguait un nouveau mandat.
L’imminente nomination de Mme Mushikiwabo consacre le « retour » de l’Afrique à la tête de l’OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et entérine son rôle incontournable de locomotive de la Francophonie.
« L’épicentre de la langue française, de nos langues françaises, est sans doute dans le bassin du fleuve Congo ou quelque part dans la région », a ainsi répété le président français Emmanuel Macron.
En vertu de son explosion démographique, l’Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l’OIF ayant droit de vote, représentera 85 % des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd’hui, selon l’OIF.
« L’Afrique s’impose comme le moteur de la Francophonie », a renchéri le Premier ministre canadien Justin Trudeau, confirmant que « le Canada s’engage de plus en plus sur le continent africain ».
Le dirigeant a cependant souligné qu’Ottawa « continuera de promouvoir et défendre avec énergie les valeurs chères à l’OIF et au Canada que sont les droits de la personne et la langue française », allusion à peine voilée aux critiques qu’a suscitées la candidature de Mme Mushikiwabo.
La candidature rwandaise est accusée d’être contraire à la charte de l’OIF, qui a inscrit « le soutien aux droits de l’homme » parmi ses missions premières.
Le Rwanda pratique « censure, menaces, arrestations, violences, assassinats » contre les journalistes qui osent dénoncer l’autoritarisme de ses dirigeants, a récemment dénoncé l’ONG Reporters sans frontières (RSF).
Interrogée par l’AFP, Mme Mushikiwabo a récemment affirmé que « la majorité des Rwandais sont contents du système démocratique ».
Le Rwanda a de plus remplacé en 2008 le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école, avant de rejoindre le Commonwealth, pendant anglophone de l’OIF, un an plus tard. C’est d’ailleurs en anglais que le président rwandais Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre, à Paris en mai.
Un plurilinguisme qui n’est pas contraire à la défense du français que M. Macron veut inclusive, une position contestée par nombre de « puristes ». « Le combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme », a répété le président français.
Soulignant les reproches parfois faits à une Francophonie « trop institutionnelle », M. Macron l’a appelée à se « réinventer » afin de prouver qu’elle n’est « pas un club convenu, un espace fatigué mais un lieu de reconquête ».
Le président a à ce titre souhaité une révision de la Charte de la Francophonie, pour notamment se pencher sur les modalités d’adhésion à l’OIF. « Faut-il se contenter de prendre quelques engagements en matière de respect des droits de l’homme » pour rejoindre l’OIF ? », s’est-il demandé, alors que le sommet doit étudier la candidature contestée de l’Arabie saoudite en tant que membre observateur.