Vivement contestée au sujet des droits de l’Homme, l’Arabie saoudite a renoncé à rejoindre la Francophonie, jeudi au premier jour de son sommet à Erevan, qui doit introniser une Rwandaise, également critiquée, consacrant la victoire de l’Afrique et du président français Emmanuel Macron.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) devait étudier la candidature saoudienne en tant que membre « observateur », donc sans droit de vote, jeudi après-midi, en pleine tension après la disparition mystérieuse en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, très critique envers le pouvoir saoudien. Mais le royaume a fait parvenir un courrier à l’OIF, demandant « le report » de la demande d’adhésion, a indiqué l’organisation.
La candidature était combattue par le Canada, deuxième bailleur de fonds de l’OIF, dont l’ambassadeur à Ryad a été expulsé début août après l’envoi d’un tweet du ministère canadien des Affaires étrangères appelant l’Arabie à remettre en liberté des militants des droits de l’Homme récemment arrêtés.
La France était également critique, à demi-mots. Dans son discours prononcé jeudi, le président Macron avait souhaité une révision de la Charte de la Francophonie, concernant notamment les modalités d’adhésion à l’OIF. « Faut-il se contenter de prendre quelques engagements en matière de respect des droits de l’Homme » pour rejoindre l’OIF ?, comme c’est le cas actuellement, s’est-il demandé dans une allusion claire à l’Arabie.
L’OIF a en revanche accepté, en tant qu’observateurs, l’Irlande et Malte, qui comptent respectivement 12 % et 13 % de francophones, selon l’OIF, ainsi que la Gambie, petit pays largement anglophone mais entouré de pays francophones, et l’Etat américain de Louisiane, où 200.000 francophones vivent, sur 4,7 millions d’habitants.
L’OIF réunit 84 Etats et gouvernements « ayant le français en partage », dont 26 observateurs et quatre « membres associés », un stade supérieur qui permet de participer à davantage de réunions mais sans cependant octroyer de droit de vote.
Ouverte à Erevan, la grand-messe de la Francophonie a été ponctuée d’hommages au chanteur franco-arménien Charles Aznavour, décédé quelques jours avant sa venue prévue au Sommet. Jeudi soir, la voix du « fils de l’Arménie » résonnait sur la célèbre place de la République de Erevan, lors d’un concert donné en son honneur.
Le petit pays de trois millions d’habitants, dont 6 % de francophones, accueille son plus grand événement international: 26 chefs d’Etat et 3.500 délégués participent à ce XVIIe sommet de l’OIF, qui doit porter à sa tête la Rwandaise Louise Mushikiwabo, vendredi à la fin du sommet.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères a la voie libre pour prendre les rênes de l’OIF pendant quatre ans, depuis que le Canada a annoncé, avec le Québec, qu’il retirait son soutien à la secrétaire générale sortante, la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean, qui briguait un nouveau mandat.
La nomination acquise de Mme Mushikiwabo consacre le « retour » de l’Afrique à la tête de l’Organisation, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et entérine son rôle incontournable de locomotive de la Francophonie. « L’épicentre de la langue française est sans doute dans le bassin du fleuve Congo », a ainsi répété le président Macron.
En vertu de son explosion démographique, l’Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l’OIF ayant droit de vote, représentera 85 % des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd’hui, selon l’OIF.
« L’Afrique s’impose comme le moteur de la Francophonie », a renchéri le Premier ministre canadien Justin Trudeau, avertissant cependant qu’Ottawa « continuera de promouvoir et défendre (…) les droits de la personne et la langue française », allusion aux critiques que suscite la nomination de Mme Mushikiwabo.
Le Rwanda a en effet remplacé le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école et a rejoint le Commonwealth, pendant anglophone de l’OIF. C’est d’ailleurs en anglais que le président rwandais Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre.
Mais ce plurilinguisme n’est pas contraire à la défense du français, estime M. Macron : « Le combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme », a-t-il répété.
Le président français est un fervent soutien de la candidature rwandaise, pourtant également accusée d’être contraire à la charte de l’OIF qui a inscrit « le soutien aux droits de l’Homme » parmi ses missions premières.