Avec 35,2 % des voix, les conservateurs bavarois ont obtenu le plus mauvais score de leur histoire, affaiblissant la chancelière. Le parti d’extrême droite, l’AfD, fait, lui, son entrée au Parlement régional.
L’empire de la CSU vient de s’effondrer. Avec 35,2 %, selon les estimations disponibles à 19 heures, les conservateurs ont subi dimanche un revers historique lors de l’élection régionale de Bavière. En enregistrant un recul de plus de douze points par rapport à leur résultat de 2013, qui était de 47,7 %, les chrétiens sociaux viennent de perdre leur majorité absolue au Parlement régional. C’est la deuxième fois seulement depuis les années 1960. Entre 2008 et 2013, la CSU, avec 43,4 %, avait dû partager son pouvoir avec les libéraux du FDP. Cette alliance ne suffira sans doute pas cette fois. Avec 18,6 %, les Verts sont les grands gagnants de la soirée.
Dimanche soir, le ministre-président de Bavière Markus Söder affichait le visage des mauvais jours. «Ce n’est pas un bon résultat, nous devons le prendre avec humilité et nous en tirerons les leçons», a-t-il brièvement commenté. Il compte toutefois mener les discussions pour former une majorité derrière lui au Parlement régional. Pour Ilse Aigner, ministre du Logement en Bavière et l’une des femmes clés du parti, la CSU a été victime «d’une tendance globale». En clair, elle accuse l’impopularité de la grande coalition à Berlin d’être responsable du désaveu des électeurs.
L’impact de l’élection de Bavière dépasse largement les frontières de la région et va faire trembler toute la grande coalition CDU/CSU SPD qui gouverne à Berlin. Le président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, attend «des répercussions». Le commentaire de cette figure respectée de la CDU est une mise en garde. Déstabilisée dans sa région, la CSU va affaiblir la chancelière sur son flanc droit. La bataille interne sur la ligne du parti de la chancelière et la préparation de l’après-Merkel vont être relancées. Sans attendre, le gouvernement pourrait aussi être touché. Le sort du président de la CSU, le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, devrait aussi être en discussion au sein de son parti. S’il devait être poussé à quitter ses fonctions, il quitterait aussi le gouvernement. Dimanche soir, il n’a rien dit de son avenir.
De l’autre côté de l’échiquier politique, les sociaux-démocrates sortent aussi abîmés des élections régionales. Avec 9,8 %, le SPD voit son score divisé par deux par rapport à l’élection de 2013. En cinquième place en Bavière, derrière les Verts, à 18,9 %, mais aussi les Freie Wähler, un parti local à 11,6 %, et les populistes de l’AfD à 10,9 %, les sociaux-démocrates accusent le coup et poursuivent leur descente aux enfers. À Berlin, la présidente du SPD Andrea Nahles a analysé le résultat comme un avertissement aux partis de la coalition et la conséquence de leurs «mauvaises performances». La débâcle bavaroise devrait relancer le débat interne au SPD sur la participation à la grande coalition.
À la CDU, l’amertume était aussi perceptible. La secrétaire générale du parti Annegret Kramp-Karrenbauer, proche d’Angela Merkel, a regretté «les querelles des derniers mois» entre la CDU et la CSU qui ont plombé la campagne des conservateurs. Avec des mots polis, elle accuse les Bavarois d’être responsables de leur propre échec. Depuis 2015, la CSU s’oppose à la politique migratoire d’Angela Merkel. Le bras de fer s’est aggravé récemment. En juin, le président de la CSU, le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, a poussé la fronde jusqu’à menacer l’alliance historique entre la CDU et la CSU. Pour 81 % des électeurs, selon un sondage de l’ARD, cette stratégie a nui aux conservateurs. Elle n’a pas permis en tout cas d’endiguer la fuite des voix vers l’AfD.
Avec 10,9 %, la droite radicale obtient un résultat plus faible qu’elle ne l’espérait. Mais dans cette région économiquement et socialement sans problème, dominée par un parti conservateur, l’Alternative für Deutschland peut se réjouir de faire son entrée au Parlement régional. L’AfD a aussi subi la concurrence d’un parti local, les Freie Wähler. Avec 5,1 %, selon les estimations disponibles à 19 heures, les libéraux du FDP devraient réussir leur retour au Parlement régional. Ils franchiraient le seuil fatidique des 5 %.
Dans cette configuration, une coalition de la CSU avec les Freie Wähler pourrait suffire pour former un gouvernement. Une coalition à trois avec les Freie Wähler et le FDP permettrait aussi aux conservateurs d’éviter leur scénario cauchemar: une coalition avec les écologistes. Le suspense ne devrait toutefois pas durer aussi longtemps qu’à Berlin. Le Parlement bavarois n’a qu’un mois pour trouver une majorité, faute de quoi de nouvelles élections seront nécessaires.