La Commission des affaires européennes du sénat français a déclaré dans un rapport que les sanctions secondaires que l’administration américaine remettra en vigueur à partir du 4 novembre 2018,
après la décision du Président Trump de retirer son pays du plan d’action global commun (PAGC) sur le nucléaire iranien, constitue un «double défi économique et diplomatique» pour les Européens face auquel ils doivent agir avec une «grande fermeté».
Le rapport d’information du senateur français, Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des affaires européennes dénonce le caractère extraterritorial des sanctions unilatérales américaines contre l’Iran.
Le rapport estime que les sanctions unilatérales américaines au service de l’« America First » étaient toujours un défi major pour les pays européens.
Le texte dénonce ce tropisme qui s’est accentué depuis l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, en janvier 2017.
Ces sanctions qui sont de plus en plus nombreuses sont même devenues l’outil de politique étrangère par excellence visant mêmes les alliés de Washington.
«Les Etats-Unis sont un grand ami de l’Europe, mais le gouvernement actuel ne semble pas être un allié fiable», ajoute le rapport.
«Ces sanctions sont un double défi pour les européens : un défi économique et un défi diplomatique.
Dans les deux cas, elles menacent l’autonomie d’action de l’Union et de ses États membres dans la conduite de leurs politiques», peut-on lire dans l’introduction du rapport.
L’Union européenne et ses États membres ont fait preuve d’unité pour affirmer leur détermination à contrer les effets d’un usage agressif par les États Unis de leur prééminence économique et géopolitique.
Ce qui est en jeu aujourd’hui pour l’Iran pourrait aussi, demain, valoir pour d’autres pays ciblés par la seule diplomatie américaine, a prévenu le rapport.
Il s’attache à évaluer les différentes options ouvertes à l’Union pour contrer ou éviter les effets de l’extraterritorialité des sanctions américaines, à un moment où l’enjeu de la souveraineté européenne est plus que jamais à l’ordre du jour.
Ainsi les pays européens cherchent à contrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines frappant l’Iran.
Des rapports du Sénat français fait le point sur les différentes mesures possibles.
« Nous sommes dans un rapport de force politique avec les États-Unis », rappelle le sénateur français Jean Bizet (Les Républicains, LR), président de la commission des Affaires européennes, avant la présentation d’un rapport le 10 octobre sur l’extraterritorialité des sanctions américaines, signé du sénateur Philippe Bonnecarrère (La République en marche, LREM).
Depuis le retrait américain, le 8 mai, de l’accord nucléaire, les pays européens cherchent à échapper aux impacts destructifs des sanctions américaines contre l’Iran, alors que plusieurs grands groupes français – dont le géant Total et les constructeurs d’automobile, ont déjà cessé leurs activités en Iran.
Les États-Unis ont donné jusqu’à la date butoir du 4 novembre aux entreprises pour se désengager du marché iranien.
Les rapports se concentrent sur les effets du deuxième volet des sanctions illégales, qui s’appliquent aux acteurs économiques non américains opérant hors des États-Unis s’ils ne respectent pas les règles de boycott imposé par ce pays contre un État tiers.
Ces sanctions dites secondaires avaient été suspendues après la signature historique de l’accord international sur le nucléaire iranien en 2015, avant d’être réimposés par l’ancien homme d’affaire et actuel président américain Donald Trump, spécialiste des outils de politiques étrangères, sans politique étrangère.
Les sanctions américaines visent quatre principaux secteurs iraniens à savoir les transports, l’énergie, la banque et les assurances.
« À l’heure d’une aspiration croissante à un exercice légitime de son autonomie et de sa souveraineté, l’Union européenne doit exploiter toutes les options possibles pour enrayer l’impact de ces décisions », souligne le sénat français dans un rapport.
Le texte revient d’abord sur les options abandonnées, dont les demandes d’exemption formulées par les pays européens, rejetées en bloc par le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, le 16 juillet.
Quant à un recours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont les règles interdisent pourtant l’atteinte à la liberté de transit ou la discrimination commerciale, il aurait peu de chances d’aboutir tant l’organisation est aujourd’hui contestée et affaiblie. D’autant que l’Iran ne fait pas partie de l’OMC.
Le rapport rappelle que la Commission européenne a mis à jour le règlement de blocage, datant de 1996, un instrument destiné à bloquer les effets sur le territoire européen des décisions américaines de boycott.
Une première mesure aux effets limités, la protection offerte aux acteurs économiques européens ne s’étendant pas au territoire américain, où beaucoup d’entreprises qui ont investi en Iran possèdent des actifs.
Le régime de sanction américain pénalise tous les acteurs économiques majeurs, car il s’applique de façon extraterritoriale à toute entité ou transaction qui aurait un lien même distant avec les États-Unis.
Le simple fait de libeller la transaction en dollar la fait entrer, du point de vue américain, dans le régime de sanctions.
Deuxième entrave: la déconnexion probable de Swift (un réseau international de communication électronique entre acteurs de marchés), à partir de la date butoir du 4 novembre fixé par Trump, des banques iraniennes, « ce qui les empêchera de continuer leurs échanges sécurisés avec les opérateurs européens », note toujours le rapport sénatorial.
La mesure la plus phare évoqué par le rapport consiste à créer une « entité ad hoc » (Special Purpose Vehicle – SPV) qui pourrait agir comme une bourse d’échanges ou un système de troc sophistiqué permettant aux entreprises concernées d’échapper aux sanctions de Washington, a annoncée le 24 septembre Federica Mogherini, responsable de la politique extérieure de l’Union européenne, à l’issue d’une réunion consacrée à la sauvegarde de l’accord nucléaire, après le retrait fracassant des Etats-Unis.
Le SPV permettrait, selon le rapport, « d’inscrire en recettes les exportations de produits iraniens, ouvrant ainsi des capacités d’exportation d’entreprises de pays tiers vers l’Iran, sans échanges financiers directs».
Les nouveaux canaux de paiement doivent « rassurer les acteurs économiques qui ont un commerce légitime avec l’Iran », comme l’a souligné la haute diplomate européenne.
«Il s’agit de préserver les bénéfices économiques attendus par Téhéran en échange de son maintien dans l’accord et de son renoncement à un programme nucléaire militaire, a-t-elle insisté.
L’accord nucléaire, conclu le 14 juillet 2015 entre l’Union européenne, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, les États-Unis, la Chine, la Russie, d’une part et l’Iran d’autre part, prévoit une «suspension» des activités nucléaires de l’Iran, qui étaient d’ailleurs à des fins civils, en contrepartie de la levée des sanctions illégales dont le pays était l’objet depuis 2006 et qui a été mise en œuvre le 16 janvier 2016.
Le rapport sénatorial français met en garde surtout contre le grand risque de voir l’Iran se retirer à son tour de l’accord si les autres parties se trouvent empêchées de facto d’honorer leur engagement d’une levée effective des sanctions.
A noter que la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, présidée par M. Christian Cambon (LR-Val-de-Marne), vient d’afficher les initiatives de l’Union européenne pour protéger les entreprises européennes.
En présentant son rapport sur la proposition de résolution européenne à la commission des affaires étrangères et de la défense, le rapporteur Jean-Paul Emorine (LR – Saône-et-Loire) a rappelé que diplomatie et économie se mêlaient dans ce dossier, en déclarant : «si l’économie est une arme diplomatique, il faut aussi regarder sans naïveté l’intérêt pour les entreprises américaines de sanctions qui ferment des marchés à leurs concurrentes européennes».