Les « gilets jaunes », ces manifestants excédés par la hausse des taxes des carburants, ciblaient toujours mardi des autoroutes et des dépôts pétroliers en France que les forces de l’ordre s’emploient à débloquer, au quatrième jour d’un mouvement accusé de « dérive » par le gouvernement.
Mardi matin, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a dénoncé une « radicalisation » et une « dérive totale » des manifestations, déplorant un « très très grand nombre de blessés ».
Son collègue à l’Economie, Bruno Le Maire, a de son côté dénoncé « un certain nombre de dérives dans ces manifestations, homophobes, racistes », avec « de la violence ».
Depuis le début du mouvement les manifestations ont fait un mort et 528 blessés, dont 17 grièvement atteints, selon un bilan donné lundi soir par le ministre de l’Intérieur qui avait averti que les déblocages menés par les autorités allaient « se poursuivre ».
Promesse tenue: au moins trois dépôts de carburant ont été débloqués depuis lundi soir et un autre, à Lespinasse (sud-ouest) était en cours d’évacuation dans la matinée, selon un manifestant.
Dans la nuit, les forces de l’ordre sont également intervenues pour déloger d’un centre commercial à Langueux (ouest) « des hommes qui avaient des barres de fer et des cocktails molotov », a indiqué le ministre, interrogé sur France 2.
À Caen (ouest), les forces de l’ordre ont eu recours à des gaz lacrymogènes pour évacuer des « gilets jaunes » à l’origine du principal barrage de l’agglomération. Quatre personnes ont été interpellées selon la préfecture.
La mobilisation se poursuivait cependant mardi: des barrages filtrants et des opérations escargot étaient signalés à proximité des péages, des échangeurs autoroutiers et sur des ronds-points dans plusieurs régions de France comme en Bretagne (ouest), dans le Grand-Est ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur (sud-est).
La circulation restait perturbée sur des autoroutes et plusieurs dépôts de carburants étaient encore bloqués.
La colère touchait également la Réunion, île française de l’Océan Indien, où un couvre-feu partiel a été instauré dans la moitié des communes après une nouvelle nuit de violences.
Lundi quelque 27.000 manifestants ont participé à des actions, selon un comptage du ministère, le seul disponible pour évaluer ce mouvement qui se veut apolitique et asyndical, contre 290.000 samedi.
Plusieurs accidents ont émaillé la journée de lundi, comme à Calais où un routier a tenté de forcer le passage d’un barrage, avant d’être pris en chasse par un motard de la police, qui a ensuite heurté une voiture. Dans la Drôme (sud-est), un motard qui avait pris la route à contresens avant l’arrivée d’un camion était entre la vie et la mort.
Les premières condamnations ont été prononcées, notamment à Strasbourg où un homme de 32 ans a écopé lundi de quatre mois de prison ferme pour mise en danger de la vie d’autrui et entrave à la circulation. Samedi, il avait formé une chaîne humaine sur l’autoroute et traversé un terre-plein central avec quatre autres personnes.
Le mouvement, lancé sur les réseaux sociaux et qui n’a pas de leader connu, est soutenu par près des trois quarts des Français, selon plusieurs sondages.
D’abord concentrés sur la hausse du prix des carburants, les griefs se sont ensuite élargis à une dénonciation plus globale en matière de taxation et de baisse du pouvoir d’achat.
La grogne pourrait se poursuivre dans les prochains jours : des appels à bloquer Paris samedi commencent à fleurir sur les réseaux sociaux, appelant parfois à un « Acte 2 » du mouvement, qui a débuté le 17 novembre.
C’est ce jour-là que, selon le journal Le Parisien, quatre hommes – mis en examen et placés en détention provisoire samedi dans le cadre d’une enquête antiterroriste – ont envisagé de mener une attaque terroriste dans le pays, en profitant de la mobilisation des forces de l’ordre sur les rassemblements des « gilets jaunes ».
Directement interpellé par les manifestants tout au long des manifestations, le chef de l’État Emmanuel Macron a déclaré depuis Bruxelles où il se trouvait lundi qu’il répondrait au mouvement « en temps voulu ».
La veille, son Premier ministre Edouard Philippe a dit avoir entendu la « colère » et la « souffrance » des manifestants. Mais il compte maintenir « le cap » de la politique économique du gouvernement, notamment sa volonté de taxer davantage la pollution.