L’UE et le Royaume-Uni sont parvenus dimanche à sceller un accord de divorce, mais Bruxelles et Londres se donnent encore deux à trois ans pour régler les questions en suspens.
Si un accord de divorce a enfin été trouvé, il reste encore à en définir les termes. Après des mois de douloureuses négociations, les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne ont approuvé dimanche le « traité de retrait » du Royaume-Uni, auquel est jointe une déclaration politique ébauchant leur future relation. Mais le texte a encore de nombreuses épreuves à surmonter avant de pouvoir sceller, d’ici deux ou trois ans, la stricte séparation des deux parties.
À l’épreuve du parlement britannique
Le vote incertain des députés britanniques. Le « traité de retrait » doit désormais être approuvé par les parlementaires européens, d’ici février ou mars, et par les députés britanniques de la Chambre des Communes. Sauf que le vote de ces derniers, qui devrait intervenir le 10 ou 11 décembre, est loin d’être acquis. Près d’une centaine d’élus conservateurs se disent prêts à rejeter le texte, et une poignée d’élus du parti unioniste d’Irlande s’opposent également à l’accord… De quoi compromettre la nécessaire majorité de 320 votes pour ratifier le traité.
Que se passe-t-il en cas de rejet ? Le rejet du texte à la Chambre des Communes pourrait entraîner un Brexit sans accord au 29 mars 2019. Les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’UE seraient alors régies par les règles de l’Organisation mondiale du commerce et une multitude de contrôles douaniers et réglementaires devraient être mis en place en urgence. Mais, dans cette hypothèse, le gouvernement britannique pourrait chercher à convoquer un second vote au Parlement. Autre possibilité pour Theresa May : demander à Bruxelles de reconsidérer certaines dispositions de l’accord. Et si les 27 acceptaient de reprendre les discussions, la date du Brexit pourrait être repoussée. Un scénario peu probable alors que les deux parties affirment qu’il s’agit là du « seul accord possible ». Enfin, dernière option : Theresa May pourrait être confrontée à un vote de défiance au sein de son propre parti pour la remplacer à la tête de l’exécutif et reprendre les négociations. Ou, au contraire, faire aboutir un Brexit sans accord.
A contrario, si l’accord est voté, il restera encore au gouvernement britannique à présenter dans la foulée un projet de loi de retrait et de mise en œuvre du Brexit, synonyme de nouveaux débats enflammés. Du côté de l’UE, le Conseil de l’Union européenne devra également formellement approuver le texte, après la ratification du parlement européen.
Les questions en suspens
Dans ce pavé de 585 pages, le « traité de retrait » acte notamment une période de transition jusqu’au 1er janvier 2021, pendant laquelle les Britanniques continueront d’appliquer les règles européennes, et d’en bénéficier. Ils devront également continuer de verser leur contribution financière, mais sans siéger dans les institutions et sans participer aux décisions. Cette période de transition, renouvelable une fois jusque fin 2022, doit permettre au Royaume-Uni et à l’UE de peaufiner les termes du divorce. Et ils sont nombreux…
Éviter le retour d’une frontière irlandaise. Premier écueil : la question de la frontière irlandaise. Il s’agit de trouver une solution pour éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, et la République d’Irlande, membre de l’UE, afin de préserver l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à 30 ans de guerre civile. En cas de désaccord d’ici la fin de la période de transition, le « traité de retrait » prévoit un « filet de sécurité » qui évitera le retour de cette frontière physique et instaurera un « territoire douanier unique ».
La pêche en eaux britanniques. Le traité conclu dimanche prévoit que les pêcheurs européens garderont leurs accès aux eaux territoriales britanniques, et que les Britanniques resteront soumis aux quotas de pêche européens pendant la période de transition. Mais il précise qu’il faudra conclure un accord, au plus tard d’ici à la mi-2020, pour régler cette question hautement sensible. Des pays comme la France insistent pour que dans l’avenir, l’accès des produits de la pêche britannique au marché européen reste conditionné à l’accès des Européens aux eaux britanniques. Du donnant-donnant en somme.
La souveraineté partagée de Gibraltar. L’Espagne avait fait planer la menace ces derniers jours d’une annulation du sommet de dimanche si elle n’obtenait pas des garanties sur le sort de Gibraltar. Le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a finalement obtenu samedi des garanties écrites de l’UE pour disposer d’un droit de veto sur tout futur accord entre l’UE et Londres concernant ce territoire britannique situé à l’extrême sud de la péninsule ibérique. Madrid entend ainsi préserver une souveraineté partagée sur Gibraltar.
Trouver le bon accord commercial. Durant la période de transition, si UE et Royaume-Uni vont donc devoir parvenir à une série d’accords dans divers secteurs, allant des transports à la défense en passant par l’énergie ou l’éducation, ils vont surtout devoir régler les conditions de leurs futures relations commerciales. Et sur ce point, l’Union ne compte pas se laisser happer par une concurrence déloyale venant d’outre-Manche, laissant Londres exporter librement vers les pays de l’UE. Il s’agit ici de déterminer si le Royaume-Uni aura un statut semblable à celui de la Suisse, qui accepte les normes européennes et la libre circulation des personnes. Ou plutôt comme le Canada, avec qui a été négocié un accord de libre-échange.