L’UE : Rome sur le point de céder à la pression européenne ?

Alors que, jusqu’à présent, Rome refusait catégoriquement de modifier son budget pour 2019, malgré l’insistance de Bruxelles,

il semblerait que le gouvernement italien soit désormais plus disposé à réviser son budget dans le but d’éviter une confrontation brutale avec Bruxelles, mais aussi et surtout pour apaiser les tensions persistantes sur les marchés financiers.

Ce changement de ton a entraîné un bond de 3 % de la Bourse de Milan et un net relâchement du spread, le très surveillé écart entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans. Celui-ci s’est réduit à 286 points, contre 307 à la clôture vendredi soir.

« Si, durant la négociation [avec Bruxelles], le déficit doit diminuer un peu, pour nous, cela n’est pas important », a déclaré lundi matin Luigi Di Maio, le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), un des deux partis de la coalition au pouvoir en Italie avec la Ligue (extrême droite). La Commission européenne a rejeté le 23 octobre le projet de budget italien pour 2019, qui prévoit officiellement un déficit à 2,4 % du PIB. Bruxelles juge irréalistes les prévisions italiennes, estimant que le déficit atteindra 2,9 %, bien loin des engagements du précédent gouvernement de centre gauche (0,8 %). La coalition populiste italienne avait depuis maintenu une ligne inflexible, semblant prête à assumer le risque d’une « procédure de déficit excessif », et donc de sanctions financières.

Mais au lendemain d’un dîner de travail samedi soir à Bruxelles entre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et des membres du gouvernement italien, le ton a changé à Rome. Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, toujours prêt à attaquer la Commission, a lui-même affirmé lundi que le gouvernement appliquerait « le bon sens ». « Si, à Bruxelles, ils pensent tenir en otage le gouvernement et 60 millions d’Italiens sur un chiffre après la virgule, nous sommes prêts à leur retirer tout alibi », a-t-il affirmé. Dans de précédentes déclarations dimanche à l’agence italienne Adnkronos, il avait indiqué que l’essentiel était d’avoir un budget « qui fasse croître le pays » – alors que l’Italie affiche une croissance exsangue – et que le déficit pouvait donc être « de 2,2 ou 2,6 ».

Une réunion sur le budget est prévue lundi soir au palais Chigi en présence du chef du gouvernement Giuseppe Conte, du ministre de l’Économie Giovanni Tria et de Luigi Di Maio et Matteo Salvini. « Avec Giuseppe Conte et Luigi Di Maio, ces cinq derniers mois, j’ai toujours plus que très bien travaillé. Entre personnes concrètes, de bon sens, nous avons toujours trouvé un accord et nous le trouverons encore cette fois-ci », a déclaré Matteo Salvini. Son collègue Luigi Di Maio a souligné que « le sujet n'[était] pas les chiffres, mais les citoyens ». Il a ainsi réaffirmé l’importance de mettre en place un revenu de citoyenneté pour les plus démunis, de réformer la loi sur les retraites pour permettre un départ anticipé et d’indemniser les petits épargnants ayant été floués par la faillite de banques.

La question qui se pose désormais est : jusqu’où Rome est-il prêt à abaisser son niveau de déficit et cela sera-t-il suffisant pour satisfaire Bruxelles ? « La possibilité d’un compromis avant la décision finale sur une procédure de déficit excessif est plutôt mince. La distance entre la position italienne et ce qui serait requis par le cadre budgétaire [européen] est si large que, si le gouvernement devait essayer de le respecter, il changerait complètement de direction », a estimé l’économiste Lorenzo Codogno, fondateur de LC Macro Advisors. Mais Rome semble avoir pris, au moins pour une part, conscience de l’impact des tensions sur les marchés qu’engendre sa politique.

Le spread a doublé depuis mai sur le marché secondaire et le taux que le gouvernement doit offrir pour placer de la dette a nettement augmenté. De surcroît, un placement de bons du Trésor auprès des particuliers a fait un flop la semaine dernière, témoignant d’une inquiétude autour de la dette souveraine italienne et du faible appétit des investisseurs pour celle-ci. Or, l’Italie devra placer plus de 250 milliards d’euros d’émissions de dette souveraine l’an prochain.

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