Porochenko et ses marins dans le détroit de Kertch

Il semblerait que la junte de Kiev ne fait pas confiance en son armée en général, et en sa marine en particulier, au point de faire accompagner ses marins dans les opérations délicates contre la Russie par des agents de surveillance du contre-espionnage

L’analyse des récents affrontements entre les navires de la marine ukrainienne et les garde-côtes russes près du détroit de Kertch s’est concentrée sur les arguments juridiques des deux parties ainsi que sur les motivations politiques des acteurs et les implications politiques et géostratégiques possibles. Mais derrière tout cela se cache un indice intéressant sur l’état des forces armées ukrainiennes, que les commentateurs semblent avoir raté.

Parmi les personnes à bord de ces navires ukrainiens qui ont été capturées par les Russes se trouvaient des officiers du service de sécurité ukrainien, le SBU. Ce fait a été utilisé par certains comme preuve que les Ukrainiens se livraient effectivement à des activités malveillantes dans les eaux russes et qu’ils n’étaient pas là de manière ‘innocente’. Si les agents du SBU étaient des agents du renseignement, ce serait peut-être le cas. Mais en réalité, ce sont des agents du contre-espionnage. En d’autres termes, leur tâche n’était pas l’espionnage, mais la sécurité.

Comme cela a été rapporté dans la presse :

« L’agence SBU a déclaré dans une déclaration du 27 novembre que les officiers menaient des opérations de contre-espionnage pour la marine ukrainienne, en réponse aux « pressions psychologiques et physiques » exercées par les services d’espionnage russes ».

Alors, quelle pourrait être cette « pression psychologique et physique » qui s’exerce sur la marine ukrainienne et qui nécessite la présence d’officiers du contre-espionnage à bord des navires ? Je ne peux pas donner de réponse définitive à cette question, mais il est possible que les autorités ukrainiennes craignent que les marins ukrainiens soient soumis à une « propagande » russe et que, s’ils sont livrés à eux-mêmes, ils risquent de faire défection ou de transmettre des messages aux Russes en passant près de la côte russe. Cela explique la présence d’officiers SBU à bord des navires ; leur but était d’espionner les membres de l’équipage et de s’assurer leur loyauté.

Les dirigeants qui font confiance à leurs subordonnés n’ont pas besoin de faire une telle chose. Et c’est pourquoi je pense que cet incident met en exergue quelque chose que les analystes n’ont pas remarqué. Les partisans d’Euromaidan et du gouvernement qui dirige l’Ukraine depuis tiennent souvent à dire que les forces armées ukrainiennes se sont considérablement améliorées depuis 2014 et que la guerre contre « l’agression russe » a consolidé l’identité nationale de l’Ukraine, unissant la nation plus que jamais auparavant. Je reconnais que mon analyse des raisons pour lesquelles la SBU avait des agents à bord de ces navires n’est que pure spéculation et peut être erronée. Mais elle me semble logique et, si j’ai raison, cela suggère que les dirigeants ukrainiens ne font pas beaucoup confiance à leurs troupes. Ils peuvent parler de l’unité de la nation et de l’armée, mais au fond de leur cœur, ils n’y croient pas vraiment.