Le gouvernement cherchait dimanche comment surmonter la crise provoquée par les émeutes qui ont secoué Paris samedi au cours des manifestations des « gilets jaunes », un dossier devenu explosif, tant la fronde des « gilets jaunes », ces Français modestes, semble incontrôlable, et tant les images de violences en plein centre de la capitale ont frappé les esprits.
Notamment celles de l’Arc de triomphe, un des symboles parisiens en haut de la mythique avenue des Champs-Elysées, qui a été recouvert de graffitis et dont le musée souterrain a été saccagé, les casseurs brisant notamment le visage d’une reproduction de la sculpture « la Marseillaise ».
Le premier geste du président Emmanuel Macron à son retour d’Argentine fut d’ailleurs d’aller se recueillir devant la flamme du soldat inconnu sous l’Arc et de constater les dégâts. Quelques gilets jaunes l’ont hué au moment de ce déplacement à l’un des monuments les plus visités de Paris. Il a ensuite dirigé une réunion de crise avec quelques ministres clés pour tirer les enseignements de cette journée et des violences dont les images ont fait le tour du monde.
« L’Arc de Triomphe, c’est la République. C’est le soldat inconnu, c’est la mémoire de tous les soldats français qui se sont battus pour que notre pays soit une République, une et indivisible. Donc je suis très traumatisée », a déclaré la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, qui a assisté dimanche soir avec plusieurs membres du gouvernement à la traditionnelle cérémonie pendant laquelle on ravive la flamme du soldat inconnu.
Violence « sans précédent »
Dans Paris, les employés municipaux et les ouvriers tentaient dimanche de réparer les dégâts et nettoyer au lendemain de cette folle journée de violences inédites au cours de laquelle certains gilets jaunes et des casseurs ont affronté la police dans les beaux quartiers, sous le regard médusé de Parisiens et de touristes, dans une ambiance insurrectionnelle, avec incendies, barricades, nuages de gaz lacrymogène, canon à eau, etc.
Les violences parisiennes ont été d' »une gravité sans précédent », a commenté dimanche le préfet de police Michel Delpuech.
Au total, 412 personnes ont été interpellées, « un niveau jamais atteint dans les dernières décennies », a ajouté M. Delpuech au cours d’une conférence de presse, en déplorant une « violence extrême et inédite » contre les forces de l’ordre avec « des jets de marteaux », de « billes en acier » ou de « gros boulons ».
Un total de 136.000 personnes ont participé samedi dans toute la France à la troisième journée de mobilisation des « gilets jaunes » au cours de laquelle 263 personnes ont été blessées contre 166.000 le samedi précédent (chiffre revu à la hausse dimanche, le précédent étant de 106.000).
Dans la nuit de samedi à dimanche, un automobiliste est mort à Arles (sud-est) après avoir percuté un poids lourd à l’arrêt en raison d’un embouteillage provoqué par un barrage de « gilets jaunes ». Cet accident porte à trois le nombre de décès liés au mouvement depuis son démarrage voilà trois semaines.
Les gilets jaunes, qui tirent leur nom du gilet fluorescent que doit posséder chaque automobiliste, fédèrent nombre de Français modestes qui peinent à boucler les fins de mois, s’opposent la politique sociale et fiscale du gouvernement, et dénoncent le mépris et l’intransigeance dont il ferait preuve à leur encontre, alors qu’il a plusieurs fois répété qu’il ne varierait pas de cap sur la taxation du carburant (pour financer la transition écologique), sujet qui fut le boutefeu de cette colère populaire.
Le gouvernement doit trouver une réponse sécuritaire aux méfaits des casseurs mais ne peut manifestement plus faire l’impasse face à la « colère légitime », selon les mots du président, des « gilets jaunes ».
« Condition préalable »
Certaines voix du pouvoir laissent entendre qu’il y aura du changement, au moins dans la forme, de l’action gouvernementale.
M. Macron a demandé au Premier ministre Edouard Philippe de recevoir, à une date non précisée, « les chefs de partis représentés au Parlement ainsi que des représentants des manifestants », au nom d’un « souci constant de dialogue »
« Là où on a péché, c’est que l’on a été trop éloignés des réalités des Français », a estimé dans le journal Le Parisien le nouveau patron du parti macroniste LREM (La République en Marche), Stanislas Guérini, élu samedi.
Mais l’opposition et une partie des « gilets jaunes », mouvement protéiforme sans structure ni dirigeant, réclament d’abord un geste fort au gouvernement, à commencer par un moratoire ou un gel de la hausse des taxes sur les carburants.
L’annulation de la hausse des taxes sur le carburant est « une condition préalable à toute discussion », a affirmé dimanche à l’AFP Jacline Mouraud, figure des « gilets jaunes », une des initiatrices du mouvement sur les réseaux sociaux.
A droite, le président des Républicains, Laurent Wauquiez, a réitéré son appel à un référendum sur la politique écologique et fiscale d’Emmanuel Macron. Marine Le Pen (extrême droite) a elle demandé la dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections.
A gauche, le patron des socialistes, Olivier Faure, a réclamé des États généraux sur le pouvoir d’achat. Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise (gauche radicale), a appelé à rétablir l’impôt sur la fortune et applaudi « l’insurrection citoyenne » qui « fait trembler la macronie et le monde du fric ».