L’eurogroupe de la dernière chance

Le ministre des Finances allemand a fait tourner les Français en bourriques depuis des mois, se montrant tantôt ouvert à une réforme profonde de la zone euro, tantôt plus circonspect, pour ne rien dire de son inventivité pour contourner d’une manière ou d’une autre la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des géants du numérique…

C’est un peu perdu par les mille et une circonvolutions de son homologue allemand que Bruno Le Maire entame cette réunion de l’eurogroupe. Du côté de la Commission, le sentiment est plus net : « Les Allemands ne veulent rien. » Du côté des Français, c’est l’autonomie d’Olaf Scholz vis-à-vis de son administration qui pose question…

Les chantiers sur la table sont pourtant immenses. Il s’agit de savoir si l’union économique et monétaire est capable, par temps calme, de renforcer ses mécanismes de protection de manière à aborder avec plus d’outils entre ses mains la prochaine crise. Les propositions de la Commission sont sur la table depuis des mois. Elles sont censées répondre à quatre faiblesses identifiées. D’abord, une réforme du mécanisme européen de stabilité (MES) pour aider, à titre préventif, un pays en difficulté avant qu’il ne soit coupé des marchés. Avec cet outil, la Grèce aurait pu être secourue plus tôt en 2008. L’Allemagne entend édicter des critères d’éligibilité plus stricts que ceux prônés par la France… Ensuite, il s’agit de créer un filet de sécurité (« backstop ») public pour les banques déjà protégées entre elles par le Fonds de résolution unique (FRU). Il s’agirait d’adosser ce FRU au MES, ce qui serait une façon de doubler l’enveloppe initiale (60 milliards d’euros). Encore faut-il que les prêts non performants qui lestent encore certaines banques européennes soient purgés plus efficacement… Enfin, il s’agit de créer un budget de la zone euro (proposition française) et un système de réassurance de l’assurance chômage (proposition d’Olaf Scholz).

L’Italie rend les compromis plus difficiles

Sur les deux derniers points, les divergences des pays du Nord, Pays-Bas en tête, sont encore fortes. La philosophie générale des pays scandinaves repose sur un précepte simple : la zone euro sera forte quand tous les États membres qui la composent sauront gérer leurs finances sainement. L’attitude frondeuse de l’Italie vis-à-vis des traités budgétaires ne les encourage pas à mettre au pot commun. Pas question, donc, de « transferts d’argent » du Nord vers le Sud… Emmanuel Macron répond qu’il n’existe pas de zone monétaire qui puisse se passer d’une certaine solidarité entre ses membres. Encore faut-il que tous jouent avec la même règle du jeu et coordonnent un tant soit peu leur politique économique… L’Italie, en laissant volontairement filer son déficit (132 % du PIB), entrave une intégration plus forte de la zone euro.

Si l’Allemagne s’est ralliée à la création d’un budget de la zone euro à travers la déclaration de Meseberg, elle a posé ses conditions : ne seraient aidés que les pays qui auront fait des réformes ; les investissements soutenus doivent être consacrés à la recherche, aux industries d’avenir et ne pas être redondants avec les aides déjà perçues par ailleurs au titre des fonds structurels. Par ailleurs, l’Allemagne considère que ce budget de la zone euro doit être adopté dans le cadre du budget général de l’Union, donc lors du prochain cadre financier multiannuel 2021-2027. Berlin plaide pour une adoption rapide, au cours de cette législature finissante, de crainte que les prochaines européennes de mai aboutissent à l’élection d’un Parlement improbable… La France, pour l’heure, s’y refuse et repousse l’adoption de ce budget multiannuel à la prochaine législature.

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