La confédération africaine de football a décidé de retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019 au Cameroun. Depuis, dans les rangs de l’opposition, certains se disent soulagés au vu du contexte sociopolitique dans le pays et d’autres condamnent ce qu’ils considèrent comme une «humiliation» de trop du régime de Paul Biya.
Le comité exécutif (ComEX) de la Confédération africaine de football (CAF), réuni vendredi 30 novembre à Accra au Ghana, a officiellement décidé de retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019 au Cameroun.
«Aujourd’hui, face à tous ces rapports que nous avons reçus et en analysant aussi les évolutions faites, nous avons décidé de retirer la CAN 2019 au Cameroun», a déclaré Ahmad Ahmad, président de la CAF, à la fin des travaux.
Une décision qui tombe comme un coup de massue sur la tête des autorités camerounaises, notamment Paul Biya qui en avait fait la promesse au peuple et avait pris un engagement solennel dans l’un de ses discours en août 2017, à l’occasion de la réception au palais de l’unité des médaillés des compétitions internationales.
«Le Cameroun sera prêt le jour dit, j’en prends l’engagement» avait affirmé le Président.
Une promesse et un engagement maintes fois relayé par le gouvernement de Yaoundé et même brandi comme argument de campagne à la veille de la présidentielle du 7 octobre dernier.
D’ailleurs à la veille de cette échéance politique, le 2 octobre, alors que la polémique autour du retrait de cette compétition au Cameroun battait son plein, le Malgache Ahmad Ahmad, patron de la CAF, avait foulé le sol camerounais en compagnie de l’ancien attaquant vedette de la sélection nationale, Samuel Eto’o Fils.
«La CAF n’a jamais réfléchi à un retrait de la CAN au Cameroun» avait-il laissé entendre comme pour rassurer les autorités camerounaises.
Des déclarations faites de part et d’autre pour tenter d’éteindre les polémiques, malgré les retards constatés dans la mise en place des infrastructures et le contexte sécuritaire particulièrement tendu, avec le conflit armé en cours entre l’armée et des séparatistes dans les deux régions anglophones du pays. Un conflit armé mis sur la table par ceux qui militaient déjà pour le boycott de cette compétition, comme Gérard Kuissu, président du Comité de résistance pour la revendication, la récupération et la restitution du vote du peuple (C4R) mouvement né après la présidentielle du 7 octobre dernier pour dire «non» à ce qu’ils considèrent comme un «hold-up électoral».
«Nous sommes en guerre, il y a des hommes des femmes et des enfants qu’on tue, brûle et chasse de leur terre. Comment moralement jouer au football avec une situation pareille. En 36 ans, le régime tyrannique n’a jamais rien produit de bon pour son peuple. Et là il allait tirer tous les bénéfices de cette fête sportive» a-t-il confié à Sputnik.
La décision de la CAF de retirer l’organisation de la Can 2019 au Cameroun vient donc comme une nouvelle ombre au tableau de ce nouveau septennat de Paul Biya, 85 ans dont 36 au pouvoir, et ouvre un boulevard aux opposants à son régime qui pour certains, accueillent favorablement la décision.
«On s’y attendait. Les travaux sont bâclés, mal organisés et beaucoup de retard, en plus de nombreux soupçons de scandales. Il y a beaucoup à faire avant de penser CAN. D’ailleurs la CAF a été formelle. Elle est prête à nous accompagner pour être prêts à une organisation de cet événement», poursuit Gérard Kuissu.
Dans une déclaration faite au soir du 30 novembre, l’honorable Jean Michel Nintcheu, député du Social Democratic Front (SDF), parti d’opposition, dit son courroux face à ce qu’il considère comme une «grosse humiliation planétaire».
«Le Cameroun est définitivement devenu la risée du monde entier. Tant que M. Biya est au pouvoir, le processus de putréfaction de l’image du Cameroun sera irréversible. Ce septennat dit de grandes opportunités est en train de se transformer dès le début en septennat de profondes désillusions» a-t-il mentionné dans une publication sur son compte Facebook.
Cabral Libii, candidat à la dernière élection présidentielle classée troisième, relève également l’humiliation du pays et dit lui aussi sa déception.
«Nous exigeons aussi que, sans attendre, Monsieur Paul Biya, bénéficiaire de la forfaiture du 7 octobre 2018, lui qui a affirmé que le Cameroun serait « prêt le jour dit », explique au peuple camerounais ce qui a conduit à cette humiliation nationale en mondovision qui en toute logique doit déboucher sur sa démission.»
Très attendue, la réaction du gouvernement de Yaoundé après la décision de la CAF est intervenue samedi 1er décembre par la voix de son porte-parole, Issa Tchiroma Bakary, qui crie à l’injustice.
«Face à cette injustice flagrante, le Gouvernement de la République demande au Peuple camerounais de garder toute sa sérénité et de ne pas céder à la tentation des polémiques stériles.»
«Force est de constater que notre pays a fait l’objet dès le départ, dans le cadre de ce dossier, d’un traitement qui ne peut que susciter des interrogations», a-t-il déploré.
Se basant sur les rapports des multiples missions d’inspection, le comité exécutif de la CAF a officiellement décidé le 30 novembre de retirer l’organisation de la CAN 2019 au pays de Paul Biya. Il avait estimé que le Cameroun n’était pas prêt à accueillir l’événement, accusant des retards, notamment en matière d’infrastructures et de sécurité.
La décision de retirer l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun est sans appel et conduit l’instance dirigeante du football africain à engager et ouvrir un appel urgent à la candidature de nouveaux pays afin d’assurer le bon déroulement calendaire de la compétition.