Le Premier ministre, Charles Michel, n’est pas parvenu mardi à trouver une solution au sein de son gouvernement au problème du Pacte des migrations. Face au blocage, il a demandé à la Chambre de se prononcer.
Il se rendra ensuite à Marrakech, où lundi et mardi se tient une conférence internationale au cours de laquelle le Pacte sera adopté, pour y exprimer la position du parlement. Ce faisant, il place la N-VA devant un choix. Si l’on en croit les prises de position entendues ces derniers jours chez les nationalistes flamands, ils retireront leur confiance au gouvernement fédéral et le priveront dès lors de majorité. Cette annonce du chef du gouvernement clôt une journée marquée par la rumeur grandissante d’une chute du gouvernement.
La suite des événements repose maintenant sur deux propositions de résolution déposées par l’opposition à la Chambre, l’une par le cdH, rejoint par DéFI, et l’autre par les écologistes. L’une et l’autre demandent au gouvernement d’approuver sans réserve le Pacte. Le chef de groupe Open Vld, Patrick Dewael, a annoncé vers midi le dépôt d’un amendement demandant au gouvernement d’approuver le Pacte moyennant une déclaration interprétative sur certains aspects du Pacte, comme l’ont fait plusieurs pays, dont les Pays-Bas et le Danemark. Il n’a pas exclu qu’elle soit approuvée par une majorité de rechange, c’est-à-dire sans le concours de la N-VA mais avec le soutien de plusieurs partis de l’opposition. Il reste à voir quelles formations accepteront le principe d’une déclaration interprétative.
La commission des Relations extérieures de la Chambre doit reprendre mercredi à 10H ses travaux sur les deux résolutions. Mardi, après une série d’auditions qui l’ont occupée jusqu’à 15h30, la commission a reporté ses discussions, à la demande de la majorité, le temps que le Premier ministre mène ses consultations. Dans les coulisses, l’heure n’était déjà plus à l’optimisme. Nul ne savait par quel moyen il serait encore possible de rapprocher les points de vue au sein du gouvernement. Le MR, l’Open Vld et le CD&V veulent que la Belgique approuve le Pacte onusien pour une migration sûre et ordonnée. La N-VA ne veut pas, même pas moyennant une déclaration interprétative de la Belgique.
A 15H, le gouvernement devait se réunir en comité restreint. La réunion a été reportée et finalement annulée pour laisser la place à des consultations bilatérales. Le lancement par la N-VA d’une campagne contre le Pacte a précipité les événements. Les images utilisées par celle-ci -certaines d’entre elles auraient également servi à une campagne de l’AfD, parti d’extrême-droite allemand- et les messages très durs qui les accompagnaient ont suscité une vaste réprobation, dans l’opposition, dans la majorité et au sein même du gouvernement. Au vu de cette campagne, le Premier ministre a décidé de ne pas réunir le gouvernement. Le moment choisi n’a pas manqué d’être souligné. Ou l’on négocie, ou l’on mène campagne, ont rappelé plusieurs personnalités de la majorité. Aux yeux de beaucoup d’observateurs, il s’agissait ni plus ni moins d’une opération pré-électorale.
La volte-face des nationalistes flamands dans le dossier du Pacte semble avoir été l’incident de trop dans une coalition suédoise dont la vie n’a pas été un long fleuve tranquille. L’ambassadeur belge qui a négocié ce texte au nom du gouvernement a rappelé mardi devant la commission les rétroactes des discussions. Le texte a fait l’objet d’un accord de tous les cabinets ministériels, y compris celui du secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Theo Francken.
La position belge adoptée au mois de septembre était d’ailleurs sans ambiguité: « La Belgique estime que le texte est équilibré, reflète les préoccupations que nous avons exprimées et est une avancée importante au niveau diplomatique mondial et que, par conséquent, non seulement, la Belgique approuvera le texte en décembre à Marrakech mais invitera proactivement les autres pays à faire de même ».
Ce n’est qu’en octobre, lorsque le chancelier autrichien Sebastian Kurz annoncera le retrait de son pays, que la N-VA a exprimé ses réticences. Entretemps, le Premier ministre avait déjà annoncé à la tribune des Nations-Unies que la Belgique approuverait le Pacte. Après avoir engagé le royaume en bonne et due forme dans une enceinte internationale, il ne lui était plus possible de reculer. Le bras-de-fer avec la N-VA était inévitable.