Le marché pétrolier a traversé sa pire période de l’année en novembre: les cours ont fléchi de 22%. Les experts prédisaient une poursuite de la baisse mais le 3 décembre, le baril de Brent a soudainement augmenté de 5% après la décision de la Russie et de l’Arabie saoudite de prendre la situation en main pour stabiliser les prix.
Moscou et Riyad sont convenus de prolonger l’accord sur la réduction de la production et de signer un accord pour la gestion du marché en 2019. Qu’arrive-t-il à l’or noir? Et comment le baril réagira-t-il à la réunion de l’Opep en décembre?
Une forte chute
Fin novembre, le prix du pétrole a atteint son minimum depuis huit mois avec un baril de Brent à 62 dollars. Le marché avait commencé à baisser début octobre en prévision de l’augmentation des réserves aux premier et deuxième trimestres 2019, présageant un excès d’offre.Cette tendance a été renforcée par la hausse record des réserves commerciales de pétrole aux États-Unis, couplée à l’augmentation de la production par l’Arabie saoudite et d’autres pays de l’Opep — autrement dit, l’échec de l’embargo pétrolier.
Les opérateurs pétroliers sont également préoccupés par l’issue de la discussion de décembre sur la stratégie de l’Opep+ en 2019.
La perspective que le cartel pétrolier et les pays qui n’en sont pas membres décident de ne pas réduire la production paraissait encore parfaitement plausible il y a quelques jours. Dans ce cas, le marché aurait connu un excès d’offre et les prix seraient revenus à leur minimum de 2014, craignaient les acteurs du marché.Une décision au sommet
Les dirigeants de la Russie et de l’Arabie saoudite ont mis un terme à l’incertitude en marge du sommet du G20 à Buenos Aires. Vladimir Poutine et Mohammed ben Salmane al-Saoud sont convenus de prolonger leur accord fondamental sur la production pétrolière. Et bien qu’aucun chiffre concret n’ait encore été cité, le marché a immédiatement réagi: le baril de Brent a fait un bond de 5%.
Les analystes estiment que l’Arabie saoudite et la Russie sont les principaux membres de l’accord Opep+ et déterminent pratiquement entièrement les décisions du cartel —ce sera comme ils le décident.
«La réunion ne fera probablement que fixer ce qui a été convenu — ce sont les leaders qui décident. Il ne restera plus aux ministres qu’à valider les accords conclus sur la réduction de la production afin d’éviter l’excès d’offre», estime Alexandre Egorov, stratège monétaire de TeleTrade.
Andreï Kotchetkov, analyste d’Otkrytie Broker, pointe également les chances accrues d’une issue positive de la réunion de l’Opep+.
«Si les deux principaux producteurs pétroliers sont prêts à soutenir le marché, les autres membres de l’accord y adhéreront, tout comme en 2016», affirme-t-il.
Une trêve éventuelle
Le cours du pétrole a également été soutenu par la conclusion d’une trêve de 90 jours dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Donald Trump a accepté de ne pas augmenter les taxes jusqu’à 25% sur 200 milliards de dollars de produits chinois le 1er janvier. A son tour, Pékin a promis d’acheter des produits agricoles, des hydrocarbures, des produits industriels et d’autres aux USA afin de réduire le déséquilibre de la balance commerciale.
Une telle paix fragile, ou même une allusion à celle-ci, est un facteur important pour le marché pétrolier mondial car il réduit les risques de déséquilibre de la demande et de l’offre. S’il était tout de même possible de mettre un terme à la guerre commerciale, l’économie chinoise prendrait un nouvel élan et, par conséquent, Pékin augmenterait les achats d’hydrocarbures pour subvenir aux besoins de ses entreprises.Le Qatar se retire de l’Opep
Le Qatar a soudainement annoncé sa sortie de l’Opep à partir du 1er janvier. Cette annonce a fait légèrement fléchir les cours pétroliers.
Mais l’impact de ce facteur sera minime à long terme car la part du Qatar dans le volume total de la production de pétrole est faible — seulement 1,75% du total mondial.
De plus, le motif de l’émirat est légitime: le Qatar est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) et le pays veut se concentrer sur sa production.
«Un point assez négatif est que le Qatar a refusé de prendre des engagements supplémentaires avant la réunion de l’Opep, et que d’autres pays producteurs de pétrole pourraient théoriquement suivre son exemple», déclare Andreï Vernikov, directeur général adjoint de Zerich Capital Management.
Jusqu’où ira le pétrole?
Selon les estimations des analystes, compte tenu de l’éventuelle réduction de la production pétrolière par les membres de l’Opep+, les prix de l’or noir se stabiliseront dans un intervalle de 60-70 dollars pour le baril de Brent, ce qui convient aux consommateurs comme aux producteurs.
«La décision des autorités de la province canadienne d’Albert de limiter leur production à 320.000 barils par jour afin d’éviter le débordement des réservoirs pétroliers locaux pourrait également constituer un facteur significatif de stabilisation», indique Alexeï Kotchetkov.
Selon Alexandre Egorov de TeleTrade, l’équilibre se trouvera dans un intervalle de 60-65 dollars le baril: il est fort probable que le cours reste dans cette fourchette de prix jusqu’aux prochains troubles.
Andreï Vernikov pense que 65 dollars est un plafond et n’exclut pas qu’après le sommet de l’Opep+, les 6 et 7 décembre à Vienne, le baril de Brent puisse descendre aux alentours de 58 dollars. Bien que la Russie et l’Arabie saoudite soient convenues de prolonger l’accord Opep+ sur la réduction de la production pétrolière, il existe d’autres acteurs qui ont besoin d’un baril élevé, par exemple le Venezuela. Compte tenu de leurs intérêts, et ne voulant pas inutilement irriter Donald Trump, les participants au sommet pourraient s’entendre sur une réduction relativement modérée de la production.L’agence Bloomberg, se référant à des sources proches des négociations, écrit que la Russie pourrait accepter de réduire la production pétrolière de 150.000 barils par jour dans le cadre de l’accord Opep+. A titre de comparaison, selon l’accord Opep+ de 2016, Moscou s’était engagé à réduire la production quotidienne de 300.000 barils.