L’arrestation spectaculaire par le Canada, il y a une semaine, de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, la fille du fondateur et dirigeant milliardaire de Huawei, Ren Zhengfei, et sa décision de l’accuser de fraude « multiple » – un préambule à son extradition probable vers les États-Unis pour répondre aux accusations de violation volontaire des sanctions américaines et européennes contre l’Iran – ont suscité une vive colère à Beijing, qui qualifie la détention de Meng de « violation des droits de l’homme » pendant l’audition vendredi pour une libération sous caution.
Cette colère ne s’est apparemment intensifiée qu’après l’ajournement de l’audience sans décision (elle reprendra lundi, ce qui permettra à l’équipe de la défense de Meng de plaider en faveur de sa libération sous caution, contrairement aux voeux des avocats du gouvernement qui poursuivent l’affaire).
Et comme le Canada insiste qu’il poursuivra Meng dans toute la rigueur de la loi au sujet des allégations selon lesquelles elle aurait induit les banques en erreur sur la véritable relation d’une filiale Huawei appelée Skycom, les responsables chinois ont décidé de lancer directement un ultimatum à l’ambassadeur canadien, convoqué samedi à une réunion à Beijing et déclaré sans ambages que le Canada subira « de graves conséquences » si Meng n’était pas libérée, selon le Wall Street Journal.
Le ministère des Affaires étrangères de la Chine a publié l’avertissement dans une déclaration (bien que les fonctionnaires canadiens n’aient pas encore fait de commentaires) :
Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Le Yucheng, a appelé samedi l’ambassadeur du Canada à Beijing, John McCallum, pour lancer cet avertissement, selon un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères.
La déclaration ne mentionne pas le nom de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, bien qu’elle fasse référence à un » responsable » de Huawei arrêté à la demande des États-Unis pendant un changement d’avion à Vancouver, comme ce fut le cas pour Madame Meng. La déclaration accuse le Canada de » violer sévèrement les droits légaux et légitimes d’un citoyen chinois » et exige la libération de cette personne.
« Sinon, il y aura de graves conséquences, et le Canada doit en assumer l’entière responsabilité « , a déclaré le communiqué, qui a été mis en ligne tard samedi.
Les appels téléphoniques à l’ambassade du Canada sont restés sans réponse, et le service de presse des affaires internationales du gouvernement canadien n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaires par courriel.
Cet avertissement marque une escalade dans la rhétorique de Pékin alors que les investisseurs craignent que l’arrestation ne fasse basculer dans l’acrimonie la détente commerciale précaire entre les Etats-Unis et la Chine. Un juge fédéral a émis un mandat d’arrêt contre Meng en août dernier. Bien qu’après qu’elle ait été informée du mandat, Meng a évité de se rendre aux États-Unis. Elle a été arrêtée à Vancouver samedi dernier alors qu’elle se rendait au Mexique.
Outre l’interruption des pourparlers commerciaux, certains craignent que Pékin ne cherche à riposter en procédant à l’arrestation d’un notable dirigeant américain. Alors que les menaces des bureaucrates chinois ne représentent peut-être pas grand-chose aux yeux des procureurs américains, menacer un dirigeant américain d’une détention de longue durée dans un « camp de rééducation » chinois est tout à fait possible.