Le 10 décembre, les lycéens français ont fait démarrer leur deuxième semaine de perturbation pour dénoncer des mesures gouvernementales, avec quelque 450 établissements touchés, sur fond d’inquiétude des personnels pour leur sécurité et celle de leurs élèves.
Ce mouvement, qui proteste notamment contre la réforme du bac, le système d’accès à l’enseignement supérieur et le service national universel (SNU), est né la semaine dernière dans le sillage de la colère protéiforme des « gilets jaunes ».
Avec 450 établissements touchés, ce sont 10 % des lycées qui ont connu lundi blocages, barrages filtrants ou rassemblements devant leurs portes, selon les chiffres du ministère de l’Education. Cinq sites universitaires sont restés fermés.
Divers incidents (feux de poubelles, jets de projectiles…) ont conduit à des dizaines d’interpellations, en banlieue parisienne et en province notamment, selon la police.
Signe d’une volonté de maintenir la pression, un syndicat lycéen, l’UNL-SD, a appelé à un « mardi noir » dans tous les établissements.
Plusieurs organisations lycéennes demandent l’annulation des réformes sur le bac, le lycée, la voie professionnelle, des mesures actuellement mises en place ou en discussion.
Elles veulent aussi l’abrogation de Parcoursup, le système d’accès dans les études supérieures entré en vigueur en 2018 pour succéder à APB et vivement contesté par une partie des syndicats enseignants et étudiants, mais soutenu par d’autres organisations représentatives.
Ces blocages, parfois marqués par de vives tensions (caillassages, voitures renversées…), inquiètent les responsables d’établissements.
« Les actes de violence se multiplient devant ou à proximité des établissements, liés directement aux mouvements de lycéens ou en marge de ceux-ci », déplore le Snpden, principal syndicat des chefs d’établissement.
« Plus que d’un réel ‘mouvement lycéen’, il s’agit plutôt de lycéens qui rejoignent un mouvement », ajoute-t-il. « Presque partout, les manifestations se transforment rapidement en scènes de guérilla urbaine ».
La FCPE, première fédération de parents d’élèves, rapporte la crainte de parents face aux « feux de poubelle mais surtout face à l’usage disproportionné de la force par la police ».
« Nous demandons aux parents d’aller sur les manifestations des élèves, non pas pour leur dire ce qu’il faut faire, mais pour les encadrer et les protéger », indique ainsi Rodrigo Arenas, coprésident de la fédération.
« On a toujours condamné les attaques aux biens et aux personnes, mais beaucoup de collègues ont été effrayés par la violence de la répression » policière, souligne Frédérique Rolet, du Snes, syndicat d’enseignants qui soutient la lutte contre les réformes en cours.
La Fcpe, comme d’autres organisations, a été particulièrement choquée des images de l’arrestation de 151 jeunes à Mantes-la-Jolie (Yvelines), interpellés jeudi aux abords d’un lycée de la ville après de violents heurts lors d’un rassemblement.
Lorsque les tensions sont trop fortes, les proviseurs décident de fermer leur lycée, en coordination avec les autorités académiques. « Ne pas se mettre en danger » et « décider sans hésiter la suspension des cours, seul moyen radical de revenir au calme », recommande le Snpden à ses adhérents.
Le SE-Unsa, autre syndicat enseignant, note « une inquiétude globale, pas seulement sur le mouvement lycéen ». Les professeurs se sentent démunis car « ils n’y voient pas clair du tout », déclare Stéphane Crochet, à la tête de l’organisation.
« Il y a des échanges permanents entre les établissements, les rectorats et les préfectures pour évaluer les tensions », relève le ministère. « Les décisions, pour les suspensions de cours ou le recours aux forces de l’ordre, se prennent au cas par cas ».
Les populations « qui souffrent le plus des cours qui sautent sont les élèves les moins privilégiés », rappelle de son côté Samuel Cywie, porte-parole de la Peep, autre fédération de parents d’élèves.
« Il y a peu de lycéens mobilisés, mais les flambées de violence lorsqu’il y a des blocages sont inquiétantes. Les jeunes se retrouvent mêlés à des casseurs qui en général n’appartiennent même pas à l’établissement ».