Les sondages sur les intentions de vote lors des prochaines élections présidentielles se suivent et se ressemblent en Ukraine. Jusqu’ici une constante se dégage de manière systématique : Ioulia Tymochenko est largement en tête, et Petro Porochenko est sûr de perdre.
Le dernier sondage, publié par l’Institut International de Sociologie de Kiev et relayé par les médias ukrainiens, indique que le président sortant est toujours sûr de perdre l’élection à venir, quel que soit son adversaire au second tour.
La loi martiale et la perspective de l’autocéphalie pour l’Église orthodoxe ukrainienne schismatique, rien n’y fait, Porochenko est toujours perdant, loin derrière les autres concurrents.
D’après ce sondage, si Porochenko doit affronter Tymochenko au second tour, cette dernière l’emporterait avec 23,4 % des voix, contre à peine la moitié (11,8 %) pour le président sortant.
Contre le candidat de l’opposition, Iouri Boïko, ce dernier gagnerait avec 19 % des voix contre 15,3 % pour Porochenko. Mais si Boïko devait affronter Tymochenko, celle-ci gagnerait avec 23,4 % des voix, contre 15,2 % pour le candidat de l’opposition anti-Maïdan.
Le pire est que même une star de rock comme Sviatoslav Vakartchouk (si ce dernier se présentait), ferait mieux que Piotr Porochenko, en obtenant 18,9 % des voix. Néanmoins, la star de rock perdrait alors au second tour contre Tymochenko. Si par miracle, Porochenko arrivait au second tour contre Vakartchouk, ce dernier l’emporterait avec 24,2 % des voix, contre 11,1 % pour le président sortant.
Pareil avec le comédien et star de la télévision Volodimir Zelenski, qui l’emporterait contre Porochenko, avec 27,8 % des voix, contre à peine 12,2 % pour le président ukrainien.
Les seuls adversaires qui soient réellement dangereux pour Tymochenko sont Anatoli Gritsenko (qui obtiendrait 20,4 % des voix contre 20,8 % pour la « princesse du gaz »), et Volodimir Zelenski (qui gagnerait contre elle avec 23 % des voix contre 22,2 % pour Tymochenko).
Si ces élections ont lieu, un autre problème risque d’invalider le résultat de ces dernières : le taux de participation, qui risque d’être inférieur à 50 %.
Car, avec 10 à 15 % de personnes qui se disent prêtes à voter blanc (selon l’identité des deux candidats présents au second tour), le vice-directeur de l’IISK, Anton Grouchetski, craint qu’en réalité ces derniers n’iront tout simplement pas voter du tout, rejoignant ceux qui se sont déjà exprimé en ce sens lors du sondage (9,3 % des répondants), sans parler des 26,7 % qui ne savent toujours pas pour qui voter, et les 24 % qui ont refusé de répondre.
La politique ukrainienne post-Maïdan est devenu un tel cirque que les citoyens ukrainiens semblent s’en détourner de plus en plus, au risque de faire élire une femme qui a déjà fait ses preuves en termes de gestion catastrophique du pays, ou de provoquer une nouvelle crise politique si le résultat des élections est invalidé à cause du faible taux de participation.
En ce qui concerne le président ukrainien sortant, quand une star de rock et un comédien pourraient obtenir le double du nombre de votes que les citoyens ukrainiens sont prêts à vous accorder, c’est que la situation est plus que catastrophique.
Et on comprend dès lors pourquoi Porochenko est prêt à tout pour faire annuler ces élections qu’il est sûr de perdre, quel que soit l’adversaire qu’il aura au second tour (s’il arrive même jusque-là !).
Il faut donc s’attendre à voir les persécutions contre l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou redoubler, et Porochenko user de tous ses leviers pour obtenir l’autocéphalie, dont il espère qu’elle fera remonter sa côte de popularité, sans parler du risque d’escalade de la situation dans le Donbass, qui lui permettrait de prolonger la loi martiale sans grande difficulté, au nom de la défense contre « l’agression russe » imaginaire.
Porochenko est fichu, et il le sait. Or avec tous les crimes dont il est coupable (ainsi que bon nombre des membres de son gouvernement et du parlement actuel), il sait que s’il perd son poste, il finira sur les bancs d’un tribunal dans le meilleur des cas, et avec sa tête au bout d’une pique dans le pire. Et ça il ne peut se le permettre.
L’Ukraine va s’enfoncer dans la dictature jusqu’à imploser sous le poids des conséquences néfastes de la politique post-Maïdan suicidaire de Kiev. Pour Porochenko tout sera bon pour rester sur son siège de président encore un peu, fut-ce quelques semaines ou quelques mois.
Porochenko est acculé, et c’est en ça qu’il peut devenir très dangereux, non seulement pour le Donbass et la population ukrainienne, mais aussi pour la Russie et l’Europe.
C’est avec des jeux d’alliances et un effet de dominos, qu’un assassinat à Sarajevo a déclenché la Première Guerre mondiale il y a un siècle. Aujourd’hui les tensions à l’échelle globales sont telles que le moindre dérapage incontrôlé dans l’une des zones de confrontation entre l’Occident et la Russie pourrait mettre le feu aux poudres et entraîner tout le monde avec.
Auteur : Christelle Néant