Theresa May en difficulté, l’UE vole à son secours

Theresa May a survécu à un vote de défiance venu de sa majorité et s’est aussitôt envolée pour Bruxelles, en quête de soutien pour pouvoir entériner son contesté plan de sortie de l’UE. Et si on regarde ce qui s’est passé depuis le vote sur le Brexit, à chaque fois qu’elle est en difficulté chez elle, l’UE vole à son secours.

Theresa May a survécu le 11 décembre dernier à un vote de défiance, provoqué par 48 députés du parti conservateur qui contestaient son autorité, après que cette dernière ait reporté sine die le vote du parlement sur le Brexit. Si 200 députés Tories ont soutenu le Premier ministre, 117 ne lui ont pas octroyé leur confiance, ce qui fragilise politiquement la «Brexit lady», incapable de rassembler les soutiens suffisants pour faire voter son plan de sortie de l’Union européenne.

Heureusement pour madame May, depuis qu’elle est arrivée au pouvoir, Bruxelles s’est montrée conciliante chaque fois (ou presque) qu’elle a subi un revers sur la scène politique nationale. Depuis le référendum sur le Brexit, le 23 juin 2016, Theresa May a fait face à de nombreux obstacles, en partie grâce à la bonne volonté de l’Union européenne.Le résultat des élections législatives anticipées du 8 juin 2017, qui ont vu le parti tory perdre 12 sièges et sa majorité, a été l’un des premiers revers subis par la locataire du 10, Downing Street, qui n’a pas perdu pour autant le soutien de l’Union européenne. Dix jours plus tard, lors du lancement officiel des négociations sur le Brexit et alors que son alliance avec les unionistes nord-irlandais du DUP venait d’être annoncée, Michel Barnier, représentant des 27 membres de l’UE, avait salué «l’esprit constructif» de la dirigeante britannique et lui avait réitéré son soutien.

Durant l’été, plusieurs dirigeants de l’Union européenne ont fait des déclarations plutôt conciliantes à l’égard de Theresa May, fragilisée par sa courte majorité, l’alliance entre Tories et DUP ne rassemblant que 328 des 650 membres du Parlement britannique. En août 2017, le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, l’un des principaux interlocuteurs de Theresa May en ce qui concerne le Brexit, déclarait vouloir «bâtir des ponts, pas des frontières» avec Belfast, quelques jours avant que le ministre des Affaires étrangères espagnol réaffirme que son pays ne conditionnerait pas «un accord [sur le Brexit, ndlr] à la récupération de la souveraineté sur Gibraltar». Puis, en septembre, c’est Emmanuel Macron qui a salué les «avancées» et les «ouvertures» du Premier ministre britannique. Autant de déclarations visant à asseoir la légitimité de Theresa May alors que cette dernière était contestée dans son pays.

Quelques mois plus tard, en décembre de la même année, Theresa May a enregistré un deuxième revers, causé par le pouvoir législatif. Cette fois, le parlement a voté, contre le gouvernement, un amendement lui permettant de valider ou de s’opposer à l’accord de retrait de l’Union européenne avant que celui-ci n’entre en vigueur. Et cette fois également, Bruxelles n’a pas tardé à voler au secours de Theresa May. Le 15 décembre, soit deux jours après le vote de Westminster, l’Union européenne a confirmé «des progrès suffisants» dans la négociation pour que celle-ci passe à la seconde phase et traite de la relation commerciale.La «Brexit Lady» a ensuite subi un nouveau camouflet en juillet 2018, lorsque Boris Johnson et David Davis, respectivement ministres des Affaires étrangères et du Brexit, ont présenté leur démission. En cause, leur opposition au plan de sortie de l’Union européenne adopté quelques jours avant: le «plan Chequers», qui entérinait la clause de sauvegarde pour l’Irlande, le fameux «backstop».
Fragilisée une fois de plus sur la scène politique intérieure, Theresa May a pu à nouveau compter sur le soutien de l’Union européenne, même si celui-ci s’est exprimé moins fortement que les fois précédentes. Tout au long du mois d’août, Theresa May a rencontré d’autres dirigeants européens, comme lors de sa réunion avec Emmanuel Macron à Brégançon, tandis que son ministre responsable du Brexit, Dominic Raab, a mené à bien des rencontres multilatérales à Bruxelles. Résultat: Michel Barnier a déclaré, le 29 août dernier au cours d’une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères allemand que

«[Les 27 États membres de l’UE] sont prêts à proposer un partenariat comme jamais il n’y en a eu avec aucun pays tiers.»

Alors que la locataire du 10 Downing Street a vécu, avec le vote de confiance qu’elle a dû affronter, un énième revers politique à Westminster, elle s’est envolée le 12 décembre pour Bruxelles afin de bénéficier, une fois de plus, du soutien des institutions européennes. Et si l’Union européenne n’envisage a priori pas de revenir sur l’accord obtenu, elle s’est en revanche montrée ouverte à la possibilité de «clarifier» certains éléments, y compris la clause de sauvegarde irlandaise. Un gage de plus de Bruxelles pour que Theresa May reste son interlocutrice jusqu’au 29 mars prochain, date effective de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.