Une nouvelle catastrophe économique pourrait se produire si l’endettement mondial continuait sa course folle. Selon le Fonds monétaire international, le total des dettes mondiales atteint aujourd’hui 184.000 milliards de dollars, soit 225% du PIB mondial ou 86.000 dollars par personne.
Quel pays est le plus endetté? Quelles pourraient être les répercussions possibles d’un endettement important et qui doit s’en inquiéter dès aujourd’hui?
Des débiteurs incorrigibles
Les dernières estimations du FMI dépassent celles d’octobre de près de 2.000 milliards de dollars. Le nouvel indice prend en considération les données de la fin de l’année 2017 sur la base des informations présentées par 190 pays depuis 1950.
Environ un tiers de l’endettement total est détenu par des entreprises non-financières, et celui des sociétés financières atteint 60.000 milliards de dollars. Les gouvernements du monde entier affichent un endettement de 70.000 milliards de dollars.
Les principaux débiteurs mondiaux sont les États-Unis, la Chine et le Japon, qui ont accumulé plus de la moitié de la dette globale selon le rapport du FMI. C’est-à-dire que leur dette est supérieure à leur part dans la production mondiale.La dette extérieure russe est l’une des moins élevées du monde: 525 milliards de dollars (18,7% du PIB). Selon les calculs du FMI, cet indice devrait atteindre 20,4% du PIB d’ici 2023, ce qui constitue un endettement assez modéré. Qui plus est, la Russie n’affiche aucun déficit budgétaire. En 2017, ses dépenses ont dépassé ses revenus de 1,5% du PIB, et le solde devrait être positif en 2018 également.
Les économistes constatent que le volume total de la dette mondiale dans le secteur public et privé a augmenté de 60% en dix ans. Ce qui serait dangereux.
Le FMI avait déjà prévenu en octobre que la dette totale des pays du monde pourrait provoquer une nouvelle crise.
Si la dette globale se chiffrait à 36% du PIB mondial en 2008, cette part représente actuellement plus de 50%. Les experts du Fonds soulignent que cette situation s’explique par les décisions politiques adoptées après la faillite de Lehman Brothers.
Il est encore possible d’éviter l’effondrement en réformant le système financier, mais les progrès dans ce domaine sont pour l’instant insuffisants.
«Les autorités de la plupart des pays du monde ont fait échouer pratiquement toutes les réformes visant à protéger le système bancaire, notamment face aux actions risquées et irréfléchies des financiers qui avaient provoqué la réaction en chaîne et la chute majeure de l’économie mondiale il y a dix ans», affirment les spécialistes.
Selon le FMI, les régulateurs ont tiré certaines conclusions depuis dix ans. Ils ont notamment augmenté les réserves bancaires et renforcé le contrôle du secteur financier. Mais les mesures adoptées sont manifestement insuffisantes.
L’une des sources de la nouvelle crise pourrait être la Chine, où l’on constate une croissance redoutable du secteur du «shadow banking» — ou «finance de l’ombre». Ainsi, les banques chinoises financent de plus en plus activement des institutions non-bancaires, c’est-à-dire des sociétés de courtage et des prêteurs jouant le rôle d’intermédiaires entre les banques et les entreprises. Le FMI estime que cette bulle est en mesure de torpiller l’économie du pays et de lancer une nouvelle crise asiatique similaire d’une ampleur comparable à celle de 1997.La valeur des actifs en hausse
Parallèlement à la croissance de l’endettement mondial, on constate une hausse de la valeur des actifs publics.
31 pays représentant 61% de la production mondiale disposent de leurs propres capitaux, et ils sont considérables. La valeur totale de leurs actifs est estimée à 110.000 milliards de dollars — le double du PIB cumulé de ces États. En même temps, la gestion de ces actifs serait souvent peu efficace.
«Les revenus des entreprises non-financières et publiques, ainsi que des actifs financiers étatiques peuvent atteindre 3% du PIB — ce qui est équivalent aux impôts sur les sociétés dans les pays disposant d’une économie développée», fait remarquer le FMI.
Ainsi, il est pour le moment prématuré de prédire une catastrophe économique imminente sur la base des données globales sur l’endettement, soulignent les experts de l’Institut des finances internationales. Il serait plus pertinent d’étudier des foyers d’endettement plus concrets, dont le principal est les États-Unis: la possibilité d’une crise de la dette dans ce pays est la plus importante, ce qui a déjà été reconnu par les congressistes américains.Une dette américaine incontrôlable
L’endettement américain, déjà énorme (21.500 milliards de dollars), pourrait devenir absolument incontrôlable à cause de la croissance du déficit budgétaire. Ce fait a été évoqué dès cet été par le congressiste républicain Andy Biggs, qui a considéré les dépenses budgétaires trop élevées comme de l’huile jetée sur l’«incendie de la dette». Il a également rappelé que les versements budgétaires ne devaient pas dépasser 700 milliards de dollars mais qu’ils avaient déjà atteint 1.300 milliards en 2018.
«Le pays dépense plus qu’il ne gagne, et il est donc obligé d’emprunter. Ce déficit structurel forme un «effet d’ornière». Je pense que nous sommes au bord du précipice», a souligné Andy Biggs.
Selon ses estimations, il reste aux autorités américaines moins de dix ans pour résoudre le problème car le fonds d’assurance maladie pour les personnes âgées (Medicare) sera probablement épuisé d’ici 2026.«On pourra alors dévaloriser la monnaie, annoncer le défaut de paiement ou tenter d’augmenter les taxes et tuer l’économie nationale. Telles sont nos perspectives dans huit ou dix ans», a constaté le congressiste.
Une récession en vue?
Il semble qu’il ne faut pas compter sur une amélioration de la situation du budget américain. Sous l’administration de Donald Trump, la dette publique affiche une croissance record depuis six ans: elle a augmenté de 1.900 milliards de dollars depuis deux ans et pourrait augmenter d’encore 4.400 milliards d’ici deux ans, d’après les analystes de Bloomberg.
Le FMI souligne spécialement que les actifs publics américains sont concentrés dans des fonds de pension publics, ainsi que dans des crédits immobiliers et étudiants. Selon le scénario qui prévoit des taux d’intérêt plus importants à long terme et une chute rapide des prix de l’immobilier et des titres, le capital public des États-Unis pourrait chuter à 26% du PIB d’ici 2020.Le milliardaire Ray Dalio, l’un des financiers américains les plus réputés et fondateur du fond d’investissement le plus important au monde, Bridgewater Associates, affirme que l’économie américaine est tout simplement incapable d’éviter une récession à cause d’un «triple déficit»: du budget, de la balance commerciale et des comptes courants. Selon Ray Dalio, cela dissuadera les acteurs étrangers d’acheter des bons du Trésor, ce qui se soldera par une croissance explosive de leur rendement et une chute de 30% de la valeur du dollar.