Au plus bas l’été dernier, les relations entre les Etats-Unis et la Turquiese sont nettement améliorées et le retrait américain de Syrie pourrait accélérer cette détente.
Au point de donner à certains l’impression d’un accord en coulisses entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan.
L’enchaînement des événements semble accréditer l’hypothèse d’une entente.
Alors que le président turc menaçait depuis quelques jours de lancer une nouvelle offensive contre les combattants kurdes alliés de Washington présents dans le nord de la Syrie – considérés comme des « terroristes » par Ankara -, il s’est entretenu vendredi au téléphone avec son homologue américain.
Dès lundi, il est reparti à la charge. « J’ai parlé à Trump. Les terroristes doivent quitter l’est de l’Euphrate. S’ils ne s’en vont pas, nous allons nous en débarrasser », a-t-il lancé.
Pendant ce temps, son ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu affirmait, trois jours avant l’annonce américaine et sans vraiment être pris au sérieux à ce moment-là, que le président des Etats-Unis envisageait « à nouveau de quitter la Syrie ».
Juste prédiction. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la menace militaire d’Ankara n’a pas dissuadé le locataire de la Maison Blanche de sonner le départ de ses troupes, qui faisaient pourtant tampon entre Turcs et Kurdes.
« Coup de pouce »
A-t-il cédé à la demande turque ? Certains médias américains rapportent qu’il a pris sa décision juste après avoir parlé au président turc. Mais Donald Trump avait de longue date fait connaître son désir de quitter un conflit jugé coûteux.
« La décision de Trump n’a pas grand-chose à voir avec la Turquie », estime Sinan Ülgen, directeur du cercle de réflexion Edam à Istanbul. « Mais le timing a peut-être été précipité par la conversation avec Erdogan », dit-il à l’AFP.
Pacte secret ou pas, le départ des GIs ouvre la voie à l’offensive turque.
Pour Faysal Itani, du think-tank Atlantic Council à Washington, c’est donc « un coup de pouce majeur pour la Turquie » et, plus largement, « cela améliore les relations américano-turques ».
Ces dernières reviennent de loin. L’été dernier, les deux pays, alliés au sein de l’Otan, n’arrivaient plus à s’entendre sur rien et avaient frôlé la rupture lors de leur pire crise diplomatique.
Les différends étaient nombreux, et pour la plupart anciens: le noeud kurde, justement, mais aussi la détention en Turquie du pasteur américain Andrew Brunson, l’extradition réclamée jusqu’ici en vain par Ankara du prédicateur Fetullah Gülen, ou encore le projet turc d’acquisition du système de défense antiaérienne russe S-400.
Mais l’administration Trump, qui choie tout particulièrement l’électorat chrétien évangélique, a décidé de faire du sort du pasteur Brunson un casus belli, imposant des sanctions qui ont considérablement affaibli, en août, l’économie turque.
« Sauver la relation »
Sa libération en octobre a donc été un puissant déclic pour les liens bilatéraux. Et, depuis, tout geste de rapprochement est vu à l’aune d’un possible accord plus vaste pour régler les multiples contentieux.
A la base, « les Turcs ont libéré Brunson contre l’engagement des Américains de ne plus rien faire qui nuise à l’économie turque », souligne Steven Cook, du Council on Foreign Relations. Mais ce « deal » est aussi la preuve, selon lui, « que ceux qui, à Washington, poussaient pour sauver la relation ont eu gain de cause ».
D’autant que Donald Trump, accusé par ses détracteurs de préférer les dirigeants autoritaires à ses alliés démocratiques, n’avait pas hésité en 2017 à attribuer une « bonne note » à son « ami » Erdogan.
Les deux camps ont donc baissé d’un ton, alors même que sur ce terrain déjà miné est venue se greffer l’affaire de l’assassinat, au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, implicitement imputé par les Turcs au prince héritier saoudien que Donald Trump a, au contraire, explicitement choisi d’épargner.
S’agissant du prédicateur turc Gülen, installé aux Etats-Unis et accusé par les autorités turques d’être le cerveau de la tentative de putsch ratée de 2016, Ankara affiche désormais une certaine confiance dans l’examen américain de sa demande d’extradition, sans que l’on sache quelle est la part de bluff.
La Turquie a aussi obtenu une dérogation pour continuer à acheter du pétrole à l’Iran, son principal fournisseur, malgré les sanctions américaines, tout en s’engageant à réduire ces importations pour contenter Washington.
Et cette semaine, l’administration Trump a donné son feu vert à l’éventuelle vente de son système antimissiles Patriot à l’armée turque en lieu et place du S-400 russe, suggérant qu’un compromis est peut-être aussi dans les tuyaux sur ce dossier qui expose la Turquie à de nouvelles sanctions américaines.
Autant de décisions qui « montrent que les deux pays veulent améliorer les relations », selon Lina Khatib, de l’institut de recherche Chatam House.