Les Ivoiriens de Tunisie ont protesté, lundi, suite à l’assassinat du président de leur association. Quoique la motivation raciste du crime ne soit pas établie, ce meurtre relance le débat sur les agressions, verbales ou physiques, à caractère raciste que subissent les étudiants subsahariens en Tunisie.
Quelques centaines de ressortissants ivoiriens ont manifesté, lundi 24 décembre dans la banlieue de Tunis, après l’assassinat du président de l’association des Ivoiriens en Tunisie, tué dans un braquage.
Les manifestants, composés également d’autres ressortissants subsahariens, se sont rassemblés, en fin de matinée, devant l’hôpital Mongi Slim dans l’arrondissement de Sidi Daoud, où la victime agressée à l’arme blanche avait été transportée la veille.
Un cortège s’est ébranlé, vers 12H30 (GMT), empruntant l’avenue Habib Bourguiba et parcourant les localités de l’Aouina, Dar Fadhal et la Soukra, où se concentre la communauté subsaharienne de Tunis.
Des photos de la victime ont été brandies par la foule en colère. L’hymne national ivoirien, l’Abidjanaise, a été entonné et des slogans comme «Tuez-nous!», scandés.
«Les Tunisiens, on est fatigués! Chaque jour, on nous agresse à cause du téléphone (pour nous le voler, ndlr). Ils ont tué notre frère, il a une famille! On ne peut pas laisser ça comme ça. Il faut qu’on nous explique (…) C’est parce qu’on aime la Tunisie qu’on est là. La Tunisie est un pays africain. On a des Tunisiens chez nous, mais on ne les agresse pas!», a déclaré Rama, une manifestante ivoirienne en colère.
Le président de l’association des Ivoiriens en Tunisie, Falikou Coulibaly, 33 ans, a succombé à ses blessures en se défendant contre des agresseurs armés qui voulaient lui prendre son téléphone portable.
Le ministère tunisien de l’Intérieur a annoncé, lundi en début d’après-midi, l’arrestation des 6 présumés coupables, âgés de 15 à 23 ans.
Ayant reconnu les faits, les agresseurs seront poursuivis pour «commission et complicité d’homicide volontaire avec préméditation». Des crimes punis, selon les articles 33 et 201 du Code pénal, de la peine de mort, inapplicable depuis 1991.
Quoique la motivation raciste ne soit pas clairement ressortie des faits, ce crime relance le débat sur le racisme anti-Noirs en Tunisie. Beaucoup de Tunisiens ont fait part de leur indignation sur les plateformes des réseaux sociaux en dénonçant «un crime raciste et crapuleux ».
Pour sa part, l’association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) prévoit, mardi, une manifestation dans le centre de Tunis, pour protester contre les agressions à caractère raciste dont ses membres sont souvent victimes, auprès d’un cadre de cette association.
À l’avant-garde de la lutte pour les droits de l’homme dans le monde arabe, la Tunisie s’est dotée, en octobre dernier, d’une loi anti-racisme. «La loi organique pour lutter contre toutes formes de discriminations», prévoit des peines allant jusqu’à trois ans de prison pour quiconque se rendrait coupable d’actes à caractère raciste, détaillés dans le texte et non prévus, jusque-là, par le droit positif tunisien.
Cette loi répressive entend répondre aux agressions racistes qui ont écorné l’image de la Tunisie en Afrique subsaharienne, ces dernières années.
En l’espace de 4 ans, près de 6000 étudiants subsahariens ont quitté la Tunisie, une destination jusque-là privilégiée pour la qualité de ses établissements universitaires et l’accessibilité de son niveau de vie. Les difficultés administratives et la montée des agressions racistes ont souvent été pointées par les représentants de la communauté subsaharienne dans ce pays.
Le nombre des agressions à caractère raciste dont sont victimes les étudiants subsahariens en Tunisie reste, toutefois, indéterminé. Jusqu’à l’avènement de la loi anti-racisme, «les victimes de racisme ne portaient souvent pas plainte pour manque de cadre légal», explique Omar Fassatoui, officier des Droits de l’Homme, au sein du Haut-Commissariat des Droits de l’homme (HCDH).
Ce nouveau dispositif s’inscrit dans une tendance tunisienne au renforcement de la protection des droits et des libertés, depuis la Révolution du 14 janvier 2011. La loi entend, également, accompagner l’engouement économique tunisien pour l’Afrique subsaharienne, à côté d’autres mesures incitatives, comme l’octroi de bourses et des facilitations administratives, récemment promises par des responsables tunisiens.