Dans son discours de fin d’année le 31 décembre, Paul Biya est revenu sur la crise séparatiste qui secoue le Cameroun depuis deux ans déjà. Le chef de l’État a évoqué les multiples mains tendues du gouvernement de Yaoundé «pour éviter le recours à des mesures extrêmes», sans exclure cependant l’intensification de l’option militaire.
«Si l’appel à déposer les armes que j’ai lancé aux entrepreneurs de guerre reste sans réponse, les forces de défense et de sécurité recevront instruction de les neutraliser», a martelé Paul Biya à l’occasion de son discours de fin d’année, le 31 décembre.
Dans son adresse au Cameroun à l’occasion du Nouvel An, le Président Paul Biya manie la carotte et le bâton face aux séparatistes dans le cadre de la crise qui secoue les régions anglophones du pays depuis deux ans. S’il brandit la menace d’intensifier les opérations militaires, il est aussi revenu sur les multiples gestes d’apaisement que Yaoundé a faits en direction des séparatistes. Il a notamment évoqué la création d’un comité de désarmement et de réintégration et d’une commission de promotion du bilinguisme.
«Je suis bien conscient en effet de la désolation que ces insurgés infligent aux populations de ces régions… Dans un esprit de concorde nationale, j’ai décidé, pour éviter le recours à des mesures extrêmes, de créer un « Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration »», a-t-il rappelé.
Des mesures parmi tant d’autres, comme l’arrêt des poursuites décidé par Paul Biya contre 289 personnes arrêtées dans le cadre de cette crise. Malgré le durcissement de ton, le Président camerounais précise néanmoins qu’il reste ouvert au dialogue.
«Par ailleurs, j’entends poursuivre le dialogue engagé avec les personnes de bonne volonté pour un retour définitif à la paix.»
Intégralité du discours de Paul Biya à l’occasion de la présentation des vœux à la nation, le 31 décembre 2018.
Pour l’instant dans le pays, les démarches entreprises par le gouvernement semblent inefficaces, au vu de la montée en puissance des violences dans les deux régions anglophones, avec un risque d’embrasement des régions frontalières, où des attaques récentes ont été enregistrées. Dans une interview accordée le 10 décembre 2018, Joseph Léa Ngoula, analyste des conflits et du terrorisme, attribuait déjà l’enlisement de la situation au durcissement du ton de Yaoundé au début de la crise:
«Après une séquence de négociation politique, qui a débouché sur quelques concessions techniques, le gouvernement a durci sa réponse, se privant par le même effet d’interlocuteurs modérés et laissant un boulevard à une nébuleuse séparatiste, présente dans l’arène politique locale depuis le début des années 80.
Les revendications indépendantistes ou restaurationnistes ont très vite supplanté les demandes de fédéralisme portées au départ par le consortium de la société civile anglophone, pionnier de la contestation, aujourd’hui interdit par le gouvernement.»
L’analyste des questions sécuritaires préconisait le dialogue pour sortir de cette crise; certaines de ces mesures d’apaisement ont d’ailleurs entre-temps été appliquées:
«Il est temps d’écouter les propositions alternatives formulées par la société civile, l’opposition politique, les organismes internationaux et l’aile modérée du mouvement anglophone. Ces solutions comprennent des actions sur le court terme qui peuvent contribuer à la désescalade: l’arrêt des poursuites judiciaires contre une partie des prisonniers arrêtés dans le cadre de la répression de la contestation, y compris les leaders.»
Pour autant, la situation sécuritaire au Cameroun reste très tendue. Alors que le pays subit des attaques persistantes des djihadistes de Boko Haram dans le nord du pays, un conflit est en cours entre l’armée et des séparatistes dans les deux régions anglophones du pays depuis 2017.