En violation du traité de Lausanne, le patriarche de Constantinople Bartholomée a signé samedi 5 janvier le tomos d’autocéphalie de l’Église ukrainienne. La porte-parole du patriarcat orthodoxe turc Sevgi Erenerol a commenté la situation.
L’entérinement de l’autocéphalie de l’Église ukrainienne par le patriarcat de Constantinople contredit le traité de paix signé le 24 juillet 1923 à Lausanne, en Suisse, et met la Turquie dans une situation où elle se voit contrainte de s’ingérer dans les affaires intérieures de deux États étrangers, a déclaré Sevgi Erenerol, porte-parole de l’Église orthodoxe turque, commentant la signature ce samedi par le patriarche de Constantinople Bartholomée du tomos d’autocéphalie de l’Église ukrainienne.
«Lors de la signature du traité de Lausanne qui a jeté les bases de l’actuelle République de Turquie, la délégation turque à Lausanne a exigé que le patriarcat de Constantinople [appelé à l’époque le patriarcat d’Istanbul] soit déplacé en dehors de l’État turc. Mais plus tard, à titre de geste de bonne volonté à l’égard du monde chrétien, il a été décidé de le garder sur le territoire turc comme structure destinée à célébrer les offices religieux uniquement pour les Grecs résidant en Turquie», a rappelé l’interlocutrice de l’agence.
Et d’expliquer que, selon le traité de paix de Lausanne, le patriarche de Constantinople avait perdu ses prérogatives et n’était devenu qu’une simple église nominale à l’intention d’une minorité religieuse.
«Et même le parlement turc de l’époque a adopté une résolution selon laquelle en s’adressant à la personne à la tête de cette église, il ne fallait plus dire « patriarche », mais « prêtre principal ». Bref, après la signature du traité de Lausanne, l’église de Constantinople n’avait plus de pouvoir officiel d’accorder l’autocéphalie et d’adopter des décisions sur les questions internationales», a poursuivi Mme Erenerol.
Selon cette dernière, la situation actuelle met la Turquie dans une position très compliquée, créant l’impression qu’à l’instar de l’Église orthodoxe pratiquant sur le territoire de la Turquie, l’État turc ait pris lui aussi le côté de l’une des parties en conflit.
«On sait qu’à présent, les relations russo-turques se développent à des rythmes vertigineux au niveau d’un partenariat stratégique. Néanmoins, la signature du tomos pourrait provoquer des divergences entre ces deux pays. Comme cette question constitue une affaire intérieure de la Russie, la position du patriarcat de Constantinople sur l’octroi de l’autocéphalie à l’Église ukrainienne crée l’impression que, dans cette question, la Turquie soutient l’Ukraine. Pour cette raison, cette démarche de Bartholomée est erronée et dangereuse au plus haut point. L’objectif en est d’aggraver les divergences entre la Russie et l’Amérique, en provoquant une confrontation religieuse interconfessionnelle».
À l’initiative du Président ukrainien Piotr Porochenko et du patriarche de Constantinople Bartholomée, un «concile de réunification» a réuni le 15 décembre à Kiev principalement des représentants de structures religieuses non canoniques. Seuls deux évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne (rattachée canoniquement au Patriarcat de Moscou) y ont pris part après quoi ils ont été interdits de prêtrise. Le «conseil» à Kiev a eu pour résultat l’élection du chef de la nouvelle «Église autocéphale», Épiphane Doumenko. L’Église orthodoxe russe a qualifié d’insignifiante la valeur canonique du «concile» à Kiev, et la possibilité de reconnaître Épiphane de tâche à peine réalisable.