Brigitte Bardot est-elle allée trop loin dans sa lutte contre la chasse aux phoques? Au Canada, leur nombre est en nette augmentation, ce qui pourrait compromettre l’équilibre de la faune aquatique. Avec Gil Thériault, auteur et directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec.
La morue pourrait disparaître de certaines régions du golfe du Saint-Laurent, près des côtes québécoises d’ici 2050, indique un récent rapport du ministère des Pêches et Océans du Canada. Cette espèce de poisson pourrait s’éteindre complètement, ce qui représenterait une petite catastrophe pour l’écosystème.
La disparition de ce poisson légendaire serait causée par deux principaux facteurs. Premièrement, la pêche intensive aurait contribué à affaiblir l’espèce, même si elle n’est plus permise aujourd’hui. Deuxièmement, l’augmentation considérable du nombre de phoques gris nuirait gravement aux morues, ces dernières étant l’une de leurs sources d’alimentation. «Si les phoques gris continuent de s’attaquer à la morue comme ils le font maintenant, il est impossible que cette population se rétablisse et elle pourrait tomber à un niveau négligeable», a affirmé Doug Swain, l’un des analystes de Pêches et Océans Canada.
Disparation de la morue: la faute aux loups marins?
Les phoques gris compromettraient l’équilibre de la faune aquatique, ce qui contredit certaines idées reçues. Depuis des années, des personnalités comme Brigitte Bardot ont fait des phoques (et surtout de leurs petits) le symbole par excellence des espèces en voie d’extinction. Surtout, la chasse au phoque a été présentée comme l’une des plus cruelles au monde. Le contraste entre le sang des animaux et la neige immaculée a été utilisé pour émouvoir le public.
En partie sous l’influence de ces personnalités, en 2008, l’Union européenne a interdit l’importation des produits dérivés du phoque. À l’époque, cette nouvelle avait suscité l’indignation des chasseurs de phoque, qui y vont vu la puissante influence de lobbys écologistes. Malgré les exceptions qui les concernaient, des communautés autochtones du Canada ont aussi fait savoir qu’elles étaient contre cette interdiction. De manière générale, les Canadiens avaient accueilli défavorablement la nouvelle.
De fait, la vision de certains groupes ne semble pas du tout coller à la réalité du terrain canadien. Entre 1960 et aujourd’hui, la population de phoques gris est passée de 8.000 à 500.000 dans le golfe du Saint-Laurent. En soixante ans, le nombre de loups marins y a été multiplié par 60. Tout récemment, des phoques étaient aussi aperçus dans les rues d’une ville de la province de Terre-Neuve.
De 8.000 à 500.000 phoques
Selon le directeur de l’Association des Chasseurs de phoques intra-Québec, Gil Thériault, il faut réduire le nombre de phoques pour faire face au problème. Un point de vue qu’hésitent encore à adopter les représentants du ministère des Pêches et Océans du Canada. Dans les prochaines années, les autorités canadiennes devront probablement choisir entre les loups marins et la morue…
M. Thériault a affirmé qu’il fallait assouplir les règles pour qu’un plus grand nombre de phoques soient abattus. Si les phoques continuent à croître de manière aussi rapide, ils pourraient ensuite se ruer vers d’autres bancs de poissons, lorsque les stocks de morues seront épuisés. Le hareng, le maquereau et le crabe pourraient devenir les prochaines cibles des phoques dans le golfe du Saint-Laurent.
M. Thériault dit avoir observé un «envahissement des côtes» près des îles de la Madeleine. Un territoire isolé à l’Est qu’il connaît très bien, pour avoir publié un livre qui lui rend hommage. Autre signe de la croissance de ces populations: «les phoques ont commencé à mettre bas sous les arbres sur certaines îles, alors qu’ils le faisaient seulement sur la plage», a-t-il affirmé.
«Sur l’Île Brion, près des îles de la Madeleine, il y avait 50 phoques à l’époque, et il y en a actuellement 10.000», a fait remarquer notre interlocuteur.
M. Thériault pense qu’il faut voir plus loin que le discours à la mode et prendre le temps d’analyser froidement la situation. «Parfois, pour protéger une espèce, il faut abattre de ses spécimens», a-t-il ajouté.
«Qu’il s’agisse du phoque ou du loup, quand une espèce est en surnombre, il faut parfois abattre certains individus, sans quoi c’est une autre espèce qui va souffrir de la situation. L’espèce en surnombre va finir elle-même par en souffrir, parce qu’elle peut finir par détruire son propre écosystème. En Afrique, ils appellent ça le principe du tough love. Si on aime vraiment les animaux, c’est parfois ce qu’il faut faire», a affirmé M. Thériault en entrevue.
Gil Thériault déplore aussi que le phoque soit devenu un emblème de certains groupes de protection des animaux. Un peu comme l’ours polaire. Il ne s’agit pas d’être contre les animaux, mais d’en appeler à une prise de conscience pour faire voir la nature comme elle est. «Les gens qui vivent à Paris, Montréal et New York sont assez déconnectés ce qui se passe réellement dans la nature», a-t-il souligné.M.Thériault compare la situation actuelle avec celle décriée récemment par des communautés inuites. En novembre 2018, des Inuits brisaient le consensus en affirmant que les ours polaires n’étaient pas en voie d’extinction au Nunavut. Sur ce vaste territoire nordique du Canada, des ours blancs menaceraient même la sécurité de certaines communautés. Un point de vue qui en avait surpris plus d’un.