Excédé par le soutien des milices kurdes syriennes YPG par les États-Unis, Recep Tayyip Erdogan a refusé de rencontrer John Bolton, arrivé à Ankara pour parler du retrait annoncé des troupes américaines de Syrie. Deux analystes turcs ont commenté l’insuccès de cette visite du conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche.
Le résultat de la visite à Ankara du conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche n’a rien d’inattendu en soi, car John Bolton n’y est pas venu pour négocier, mais pour imposer à la Turquie des conditions notoirement inacceptables pour elle, a déclaré Uluc Özülker, ancien ambassadeur turc à Paris et à Tripoli.
Selon l’interlocuteur de l’agence, en Syrie, les États-Unis s’appliquent à promouvoir leur politique anti-iranienne, tout en assurant la protection des forces kurdes syriennes opérant dans la région.
Les médias relatent que le Président turc a exprimé son très vif mécontentement à l’occasion de la visite à Ankara de John Bolton, jugeant «inacceptable» que les États-Unis réclament des garanties sur la sécurité des milices kurdes syriennes YPG. En amont, lors de sa visite en Israël, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche a notamment déclaré que les soldats américains ne quitteraient la Syrie que si la Turquie promettait de ne pas attaquer les combattants kurdes en Syrie. Selon Recep Tayyip Erdogan, cette nouvelle condition est «une très grave erreur».
«Il est parfaitement évident que le règlement du problème syrien ne peut être garanti que par la troïka d’Astana, les trois pays-garants [Russie, Turquie et Iran, ndlr], les autres acteurs n’ayant pas à cette étape suffisamment de forces et de possibilités pour cela. Quant à la rencontre entre Bolton et [son homologue turc, Ibrahim] Kalin, elle n’a pas débouché sur des résultats notables. Selon le porte-parole d’Erdogan, les deux parties se sont limitées à exprimer leur préoccupation sans pouvoir se persuader l’une l’autre de la nécessité de concessions réciproques sur, entre autres, Manbij, les territoires à l’est de l’Euphrate et la lutte contre le terrorisme dans la région», a indiqué M.Özülker.
Et de rappeler que les relations entre Ankara et Washington étaient actuellement aggravées par plusieurs griefs réciproques, qu’il s’agisse du mouvement FETÖ, des livraisons de S-400 russes à la Turquie ou de la procédure judiciaire impliquant la banque Halkbank.
Un autre interlocuteur, le professeur à l’université Atilim d’Ankara Sükrü Sina Gürel, ex-vice-Premier ministre et ministre d’État turc, a estimé lui aussi que cette visite de John Bolton en Turquie n’aurait tout simplement pas pu s’achever autrement.
«L’âpreté des déclarations faites par la partie américaine ont une nouvelle fois manifesté l’insincérité de Washington par rapport à la Turquie», a expliqué l’universitaire.
Les relations entre les États-Unis et la Turquie, pourtant alliés au sein de l’Otan, traversent depuis deux ans des phases de vives tensions, mais celles-ci se sont nettement accrues depuis la réélection du Président turc Recep Tayyip Erdogan en juin 2018.
En décembre, Donald Trump a annoncé le retrait des soldats américains de Syrie et depuis cette date le Président des États-Unis cherche à effacer l’impression d’un départ précipité.