La nouvelle présidente du parti démocrate-chrétien allemand, favorite pour être la prochaine chancelière, a longtemps eu la réputation d’être un simple « clone » d’Angela Merkel.
Mais Annegret Kramp-Karrenbauer affirme depuis le début de l’année sa différence, avec un cap nettement plus conservateur qui commence à faire de l’ombre à sa mentor en politique.
Celle que les médias surnomment par ses initiales « AKK » a jeté mardi un pavé dans la mare en annonçant que son parti CDU ferait le 11 février lors d’un séminaire un bilan critique de la politique migratoire suivie en Allemagne ces dernières années.
« En faisant passer en revue la politique à l’égard des réfugiés depuis 2015, la nouvelle patronne de la CDU montre qu’elle n’est pas une version plus jeune d’Angela Merkel », juge le quotidien Süddeutsche Zeitung.
Au contraire, ajoute-t-il, « elle se positionne clairement contre Merkel », qui a multiplié les revers électoraux suite à sa décision d’accueillir plus d’un million de demandeurs d’asile en 2015 et 2016.
« L’ère Merkel est close »
« Un mois après son élection serrée, Kramp-Karrenbauer commence à marquer son empreinte sur la CDU », lui fait écho le quotidien FAZ. De manière symbolique elle a décidé au siège du parti d’occuper un bureau différent de celle qu’elle a remplacée.
Mme Kramp-Karrenbauer a été portée début décembre à la tête des démocrates-chrétiens, suite au départ contraint de la présidence du parti de Mme Merkel, en incarnant la continuité.
Mais elle ne l’a emporté que de peu face à un rival anti-Merkel, Friedrich Merz, prônant, lui, un coup de barre très net à droite. Et elle doit depuis donner des gages en direction de ses partisans.
« Nous examinerons toute la question de l’immigration sous l’angle de l’efficacité, de la protection des frontières extérieures, des procédures d’asile et de l’intégration », a promis « AKK » dans le quotidien Die Welt.
Et cet examen inclura la décision de laisser les frontières ouvertes en 2015, toujours très critiquée en Allemagne notamment par l’extrême droite.
Une manière de contredire ouvertement Mme Merkel, qui a toujours estimé, elle, qu’un tel débat sur le passé était du « temps perdu ».
Environnement et avortement
« AKK » a durci le ton dans d’autres domaines. Dimanche, la Sarroise a critiqué l’action d’une ONG allemande de défense de l’environnement (DUH), en pointe de la lutte contre le diesel, estimant qu’elle mettait en danger les emplois de l’industrie automobile. En envisageant de lui réduire certaines subventions.
Mme Kramp-Karrenbauer adopte aussi des positions plus conservatrices que sa mentor sur les questions sociétales, comme la double nationalité pour les personnes d’origine étrangère qu’elle souhaiterait remettre en question ou encore sur l’encadrement strict de l’avortement.
Elle avait de longue date aussi exprimé son opposition au mariage homosexuel.
Enfin, elle a entrepris de réconcilier la CDU avec le parti bavarois allié CSU, plus conservateur et qui était depuis des années en conflit ouvert avec Angela Merkel.
Ce repositionnement a d’abord pour ambition de maintenir la cohésion de son parti, menacée par le mécontentement de sa frange la plus conservatrice, qui accuse la politique centriste d’Angela Merkel d’avoir fait fuir les électeurs vers l’extrême droite.
« AKK » en profite pour marquer son territoire et freiner les ambitions de son rival pour la chancellerie, Friedrich Merz.
La stratégie semble plutôt réussir avec une légère remontée des conservateurs dans les sondages, à un peu plus de 30 %, contre 14 % à l’extrême droite.
La patronne des démocrates-chrétiens subira un test avec les élections européennes fin mai puis des scrutins dans trois régions d’Allemagne de l’Est, tous bastions de la droite ultra.
Mais son changement de cap risque en même temps de compliquer la tâche de Mme Merkel, avec un risque de voir des conflits émerger très vite, soit avec la chancelière, soit ses alliés sociaux-démocrates au gouvernement.
Ces derniers pourraient, en cas de nouvelle débâcle électorale aux européennes, être tentés de quitter le gouvernement plus tôt que prévu, avec à la clé de probables élections anticipées.