Au lendemain du camouflet infligé par le Parlement britannique à la Première ministre Theresa May, tous les protagonistes du Brexit, de Bruxelles à Londres, en appellent à l’article 50 pour tenter de débloquer la situation. De quoi s’agit-il ?
Il est sur toutes les lèvres et incarne l’espoir de ceux qui ne veulent pas d’un Brexit sans accord. L’article 50 du traité de Lisbonne est devenu la star du débat, au lendemain du rejet massif par le Parlement britannique de l’accord sur le Brexit présenté par la Première ministre Theresa May.
La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a imploré l’exécutif britannique « de demander une extension de l’article 50 ». Le maire de Londres, Sadiq Khan attend même du gouvernement qu’il « révoque l’article 50 ». La Commission européenne a, elle, indiqué « ne pas encore avoir reçu de demande de Londres » concernant cet article. De son côté, le président français Emmanuel Macron s’est interrogé : « peut-être que Londres va demander une extension de l’article 50 ».
Nouvelle date butoir pour le Brexit ?
Tous les regards sont tournés vers le 11 Downing Street. Mais Theresa May cultive un flou très politique sur cette question. Elle a indiqué qu’un Brexit au 29 mars reste l’hypothèse de travail, mais qu’elle n’avait pas fermé la porte à un report de la date.
Car c’est bien de cela dont il s’agit. L’article 50 du traité de Lisbonne a fixé, en 2017, un délai de deux ans de négociations avant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. La date butoir du 29 mars découle donc de ce texte.
Mais elle n’est pas gravée dans le marbre. Londres, en accord avec l’UE, peut obtenir un report de cette échéance jusqu’à l’été 2019 au moins. Mais tout délai supplémentaire nécessite un accord unanime des 27 chefs d’État de l’Union européenne. Un obstacle qui ne semble pas insurmontable. Les poids lourds européens – la Commission européenne, l’Allemagne, ou encore la France – ont indiqué ces derniers jours qu’ils n’y étaient pas opposés dans le principe.
Mais ils exigent tous qu’une éventuelle demande d’extension de l’article 50 soit accompagnée d’un « plan alternatif » pour régler les problèmes posés par l’accord du Brexit rejeté par le Parlement.
Car tout l’intérêt d’un report de la date serait de pouvoir se donner un peu de temps pour essayer de négocier un texte susceptible de passer l’obstacle du Parlement britannique. Bruxelles n’a pas l’intention d’entamer des nouvelles discussions sur la base d’un texte aussi massivement rejeté par les députés.
Tuer le Brexit pour un nouveau Brexit ?
Le problème est de « savoir sur quelles nouvelles bases débattre », indique Agnès Alexandre-Collier, universitaire et spécialiste de la politique britannique détachée à la Maison Française d’Oxford, interrogée par France 24. Theresa May a toujours affirmé jusqu’à présent que l’accord qu’elle avait soumis au Parlement était le meilleur possible pour le Royaume-Uni, tandis que Bruxelles a répété plusieurs fois être allé au bout des concessions envisageables.
C’est pourquoi certaines personnalités politiques britanniques, comme le maire de Londres Sadiq Khan ou encore l’ancien Premier ministre conservateur John Major, affirment que la seule option pour éviter une sortie sans accord serait d’annuler le Brexit et d’organiser un nouveau référendum. L’article 50 du traité de Lisbonne laisse cette option à Theresa May.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé, en décembre 2018, que le Royaume-Uni pouvait décider seul d’inverser le processus du Brexit en révoquant l’article 50. Il lui suffit, en théorie, d’envoyer avant le 29 mars (ou toute nouvelle date butoir si une extension a été demandée) une notification à Bruxelles pour l’informer qu’elle a décidé de renoncer à sortir de l’Union européenne.
Cependant, la CJUE a précisé que cette mesure radicale devait être le résultat « d’un processus démocratique ». En d’autre terme, un nouveau vote du Parlement britannique semble nécessaire pour autoriser le gouvernement à emprunter cette voie.
Difficile d’imaginer que Theresa May, qui a toujours répété qu’elle ne comptait pas revenir sur le résultat du référendum de 2016, réussirait à obtenir une majorité pour soutenir une révocation de l’article 50.
La tenue d’un nouveau référendum n’est, de plus, pas une garantie de sortie de l’impasse. Agnès Alexandre-Collier rappelle qu’il n’y a aucun précédent ou texte juridique validant le fait que le résultat d’un second référendum soit plus légitime que celui du premier. « Et qu’est-ce qu’il faudrait faire ? Organiser un troisième référendum pour déterminer lequel a le plus de valeur ? », s’interroge-t-elle.