Un Brexit sans accord, au-delà de ses effets sur l’économie britannique, serait aussi problématique pour plusieurs secteurs clés au sein de l’Union européenne, en grippant les flux de marchandises et en compliquant les procédures réglementaires.
Le président du Medef, l’organisation patronale française, Geoffroy Roux de Bézieux a estimé mercredi qu’il fallait se préparer « au pire scénario ». Et la chambre allemande du commerce (DIHK) a carrément agité la menace d’un « chaos ».
L’automobile vulnérable
Les professionnels ont à maintes reprises alerté sur les effets potentiellement désastreux de l’absence d’accord dans un secteur qui emploie près de 12,2 millions de personnes sur le continent.
Environ 10 % des exportations de l’industrie automobile européenne sont destinées au Royaume-Uni, rappelle Vincent Vicard, économiste au centre d’études français CEPII.
Les industries automobiles du Royaume-Uni et de l’UE sont étroitement intégrées. « Parfois certaines pièces détachées passent cinq ou six fois la frontière entre le Royaume-Uni et le continent », explique Carsten Brzeski chez ING Diba.
« Menaces immédiates » pour la pharmacie/chimie
A croire la fédération européenne des industries de santé (EFPIA), une sortie désordonnée en mars serait lourde de « menaces immédiates », dont une « perturbation des approvisionnements en médicaments ».
Deux facteurs cités : des « retards de transport à la frontière » et l’hypothèse dans laquelle « le développement, la fabrication, l’emballage, les tests de sécurité et la réglementation du médicament ne bénéficient plus d’une reconnaissance mutuelle ».
Le directeur général de la fédération européenne de la Chimie, Marco Mensink, s’inquiète lui de « sérieuses perturbations des chaînes d’approvisionnement ».
Des multinationales binationales, tel le groupe pétrochimique anglo-néerlandais Shell, ou encore l’anglo-néerlandais-américain LyondellBasell, risquent d’avoir des problèmes spécifiques de gouvernance.
Aéronautique et aérien
Le constructeur aéronautique européen Airbus, qui emploie directement près de 15.000 personnes au Royaume-Uni, où il fabrique les ailes de ses appareils, a déjà prévenu qu’une sortie désordonnée du bloc continental serait « catastrophique » et le forcerait à remettre en cause ses investissements dans le pays.
En juillet dernier, l’Allemand Tom Enders, son patron, s’était aussi dit préoccupé d’une sortie du Royaume-Uni de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. « Si cela advient, dès avril prochain les certifications de milliers de parties de nos avions ne seraient plus valables, ce qui pourrait mener à un arrêt de notre production ».
Vins et pêcheurs français
Le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), Antoine Leccia, a averti que le vote du Parlement « pourrait s’avérer lourd de conséquences pour l’économie et les citoyens des deux parties ». La Grande-Bretagne est le deuxième client de la France viticole.
« Ce scénario du +no deal+ peut avoir des effets catastrophiques pour la pêche française et européenne », a déclaré de son côté Gérard Romiti, président du Comité national des pêches (CNPMEM). Les pêcheurs du nord de la France dépendent à hauteur parfois de 50 % de leurs captures de l’accès aux eaux britanniques.
Ports et aéroports
L’Union des aéroports français (UAF) s’est déjà inquiétée d’une augmentation « des contraintes opérationnelles », les passagers en correspondance en provenance du Royaume-Uni devant repasser les contrôles de sûreté et les aéronefs subir des contrôles supplémentaires, avec un risque d' »engorgement ».
Côté portuaire, plusieurs acteurs français du secteur avaient averti qu’il faudrait mettre en place des « installations » pour percevoir diverses taxes, et ouvrir des « locaux dédiés aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires, pour lesquels la règle qui prévaudra est celle du contrôle systématique ».
« Gérable » dans la finance ?
Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau estime que « pour les établissements financiers », les conséquences d’un « no deal » « nous paraissent toutes gérables. Pour autant elles doivent être gérées ».
Et tout cela n’ira pas sans coûts et réorganisation, à croire Philippe Bordenave, le directeur général délégué de BNP Paribas : en cas de Brexit dur « notre branche au Royaume-Uni va devenir la branche d’un pays tiers, donc nous allons devoir la fermer et la rouvrir ». Soit « des dizaines et des dizaines de millions que nous avons déjà dépensés », pour préparer cette éventualité.
Il existe aussi un flou à moyen terme concernant les chambres de compensation, qui gèrent les transactions financières, majoritairement installées à Londres.