La Première ministre britannique Theresa May affronte mercredi une motion de censure, au lendemain du rejet massif de son accord de Brexit par les députés britanniques qui plonge le Royaume-Uni dans le flou quant à son avenir.
La motion, déposée par le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn, et qui sera votée autour de 19H00 GMT, a peu de chance d’aboutir, étant donné le rapport de force à la Chambre des communes. Le Parti conservateur de Mme May et son allié, le petit parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP, qui disposent ensemble de la majorité absolue, n’ont aucune envie d’ouvrir la voie à une arrivée au pouvoir du Labour.
Il s’agit néanmoins d’un énième désaveu pour la dirigeante, après le rejet par une écrasante majorité de l’accord de retrait qu’elle a négocié avec Bruxelles, qui ne satisfait ni les tenants du Brexit ni les europhiles : le texte, défendu par le gouvernement, a été écarté par 432 contre 202, du jamais vu dans l’histoire parlementaire britannique. Pire, 118 députés conservateurs ont voté contre le texte.
« C’est la plus grande défaite jamais essuyée par l’exécutif au Parlement », a souligné Anand Menon, chercheur au King’s College de Londres, interrogé par l’AFP.
La presse britannique n’a pas mâché ses mots pour qualifier ce revers. « Une humiliation complète », titre The Telegraph, tandis que le tabloïd The Daily Mail juge que Theresa May « lutte pour sa survie ». Aux États-Unis, le Washington Post estime que le Royaume-Uni se « dirige vers un désastre ».
Selon l’éditorialiste du Times Matthew Parris, il est temps que des parlementaires chevronnés prennent en main le dossier Brexit. « Il n’y a aucun leadership, ni au sein du gouvernement ni dans l’opposition, qui soit capable de nous aider à sortir de ce bourbier », déplore-t-il.
« Poison de l’accord »
Si Theresa May parvient à surmonter le vote de la motion de censure, elle aura jusqu’à lundi pour présenter un « plan B ». Plusieurs options s’offrent à elle: s’engager à retourner négocier à Bruxelles, ou demander un report de la date du Brexit. Le rejet du texte ouvre également la possibilité d’un divorce sans accord, craint par les milieux économiques.
L’hypothèse d’un deuxième référendum a elle été défendue par 71 députés travaillistes dans une lettre publiée mercredi. Cette option est « la seule crédible », a jugé la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon.
Pour tenter de débloquer la situation à quelques semaines de la date du Brexit, prévu le 29 mars, Theresa May a annoncé qu’elle voulait désormais s’entretenir avec des députés de tous les partis « pour identifier les éléments nécessaires en vue d’obtenir le soutien de la Chambre des Communes ».
Nigel Dodds, député du DUP, a une nouvelle fois réclamé à la dirigeante conservatrice de revoir les dispositions relatives au « filet de sécurité » (ou « backstop » en anglais) sur lesquelles se cristallise le mécontentement. »La Première ministre doit réaliser que le backstop est (…) le poison de l’accord de retrait », a-t-il déclaré sur la BBC.
Cette option de dernier recours prévoit la mise en place d’une union douanière entre le Royaume-Uni et l’UE pour éviter le rétablissement d’une frontière physique entre l’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord, si aucune autre solution n’est trouvée à l’issue de la période de transition, prévue pour durer jusqu’à fin 2020. De nombreux députés britanniques craignent que cela contraigne leur pays à maintenir les liens avec l’UE pour une période indéfinie.
« Si rien ne change, alors tout le monde aura un gros problème, y compris les Irlandais, l’Europe et la Commission européenne », a mis en garde M. Dodds.
« Encore le temps »
Côté européen, les réactions sont arrivées en ordre dispersé.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a répété mardi que l’accord rejeté était « un compromis équitable et le meilleur accord possible », avant d’estimer que « le risque d’un Brexit sans accord s’est accru ». Il a exhorté le Royaume-Uni à « clarifier ses intentions aussi vite que possible ».
Le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier, a lui aussi exprimé ses « regrets » de voir le texte rejeté par les députés britanniques, alors qu’il avait été négocié « sur la base des lignes rouges du gouvernement britannique ».
Il a annoncé une intensification des préparatifs relatifs au scénario d’un « no deal ». L’Irlande et la France ont également pris des dispositions en ce sens.