Que se passe-t-il avec la diplomatie canadienne? Les relations entre le Canada et d’autres pays se sont beaucoup détériorées. Après l’Inde et l’Arabie saoudite, c’est au tour de la Chine de prendre ses distances avec le pays de l’érable. Faut-il parler d’un échec de la diplomatie de Trudeau?
Le Canada a tout récemment décidé d’ouvrir ses portes à la jeune Saoudienne Rahaf Mohammed Al-Qunun, 18 ans, qui dit avoir subi de mauvais traitements dans sa famille. Réfugiée dans un premier temps en Thaïlande, elle avait lancé un appel à l’aide sur Twitter. Au départ, la jeune femme voulait rejoindre l’Australie, mais c’est dans un pays beaucoup plus froid qu’elle atterrira… c’est à Toronto, vêtue d’un chandail à l’effigie du Canada, qu’elle a finalement débarqué aux côtés de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.
Une véritable opération de communication pour le Canada, qui s’affirme sur la scène internationale en matière de droits de la personne. C’est en tout cas la position de Chrystia Freeland, qui assure que la protection des droits des femmes reste l’une de ses priorités. D’autres y voient une revanche sur Riyad, dans un contexte où les relations entre le Canada et le régime saoudien sont au plus bas. C’est du moins l’interprétation que semble en faire l’Arabie saoudite, qui menace à son tour le Canada de représailles.
L’Arabie saoudite prend ses distances
Le porte-parole du Comité des Relations publiques de l’Arabie saoudite aux États-Unis a lancé un avertissement au Canada via son compte Twitter. Salman Al-Ansari a même qualifié la décision du Canada «d’immature», ce qui n’est pas passé inaperçu.
«À nos amis canadiens: les politiques provocantes et immatures de Chrystia Freeland et de Justin Trudeau contre le plus grand pays du Moyen-Orient et le cœur du monde arabe et musulman, l’Arabie saoudite, pourraient conduire les grandes nations arabo-musulmanes à revoir leurs relations avec le Canada», a affirmé Salman Al-Ansari.
Rappelons que les relations entre ces deux pays se sont détériorées à partir du mois d’août 2018, lorsqu’Ottawa a fait pression sur Riyad pour faire libérer le blogueur Raif Badawi. L’Arabie saoudite avait ensuite expulsé l’ambassadeur canadien de Riyad, y voyant une ingérence dans ses affaires. Récemment, Justin Trudeau a aussi tenu à faire annuler un important contrat de ventes d’armes signé avec les Saoudiens, ce qui a pu être vu comme une volte-face stratégique.Mais après l’Arabie saoudite, c’est maintenant au tour de la Chine de prendre ses distances avec le Canada. L’escalade des tensions a débuté en décembre 2018, avec l’arrestation au Canada de la haute dirigeante chinoise de la compagnie Huawei, Meng Wanzhou, à la demande des États-Unis. À la suite de son arrestation, la Chine a prévenu le Canada qu’il s’exposait à de «graves conséquences» s’il ne libérait Mme Wanzhou, dont le père a fondé cette compagnie de télécommunications, liée au gouvernement chinois. Mme Wanzhou n’a pas encore été extradée aux États-Unis.
La Chine de plus en plus sévère envers le Canada
Probablement pour riposter à l’arrestation de Mme Wanghzou, la Chine vient de défendre la condamnation à mort du Canadien Robert Lloyd pour trafic de drogue. M. Lloyd proclame qu’il est innocent, disant avoir été piégé par des tiers. Le ministère chinois des Affaires étrangères en a profité pour dénoncer les propos «irresponsables» du Premier ministre Trudeau, après que ce dernier se soit opposé à ce jugement. La Chine détient encore deux autres Canadiens: un ancien diplomate et un consultant, accusés d’avoir menacé la sécurité de la Chine. Des arrestations considérées comme des représailles, sinon comme des moyens de pression destinés à faire reculer le Canada.Et comme si ce n’était pas assez, Justin Trudeau a lui-même détérioré les relations entre son pays et l’Inde lors de son séjour dans ce pays en 2018. Ce séjour s’est avéré catastrophique sur le plan diplomatique, ce qui a été unanimement constaté dans la presse canadienne. Le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, s’est lui-même rendu en Inde après le séjour de Trudeau pour tenter de recoller les pots cassés et montrer qu’il ferait un meilleur chef à l’étranger.
«Joyau de la couronne»: le cas de l’Inde
Durant ce séjour en Inde, Trudeau est apparu vêtu de différentes tenues traditionnelles indiennes, ce qui a été tourné en ridicule au Canada et au pays de Gandhi. Les tenues de Trudeau ont aussi choqué certains Indiens qui y ont vu une caricature de mauvais goût de leur culture. Pire encore, l’entourage de Justin Trudeau avait invité un extrémiste sikh à participer à un événement à la résidence du Haut-Commissariat du Canada en Inde. L’invitation a été décommandée à la dernière minute, mais Jaspal Atwal a réussi à se faire photographier avec la femme du Premier ministre à autre événement. Une erreur diplomatique que le Canada essaye toujours de réparer petit à petit…Jaspal Atwal a été reconnu coupable de tentative de meurtre sur l’ancien ministre indien Malkiat Singh Sidhu dans la ville de Vancouver en 1986. Il a aussi été accusé (sans être condamné) d’avoir planifié l’attaque de 1985 contre Ujjal Dosanjh, un partisan de l’unité indienne qui est devenu ultérieurement Premier ministre de la Colombie-Britannique.
Quel avenir pour la diplomatie de Trudeau?
Après l’Inde, l’Arabie saoudite et la Chine, certains commencent à se poser de sérieuses questions sur la capacité de Justin Trudeau à faire défendre les intérêts et principes du Canada à l’étranger. Le Canada est considéré comme un pays «amical» sur la scène internationale, mais il pourrait finir perdre son image de bon joueur. Même si Justin Trudeau n’a pas choisi le contexte dans lequel il allait évoluer, plusieurs observateurs lui reprochent son manque de vision. Surtout que ces trois pays sont des puissances mondiales qui pèsent lourd dans l’économie.Les plus optimistes y voient une plus grande affirmation du Canada sur la scène internationale. En particulier face à l’Arabie saoudite et la Chine, le Canada défendrait les droits de l’homme avec plus de fermeté, ce qui ne pourrait qu’être salué. Par contre, les plus pessimistes y voient un véritable naufrage diplomatique. D’autant plus que les libéraux de Trudeau ont toujours défendu le principe du multilatéralisme, lequel est opposé à l’isolationnisme et à la realpolitik. Les conservateurs canadiens étaient-ils plus doués que les libéraux pour la diplomatie?