Poutine visite la Serbie en « superstar »

Il a des bars à son nom, sa gloire y est célébrée sur des T-shirts et des mugs, son visage décore les murs: Vladimir Poutine est accueilli en « superstar » jeudi en Serbie, son allié dans les Balkans.

« Accueillons Poutine »: les Serbes ont été appelés à participer à un défilé de bienvenue, du centre de Belgrade à l’église Saint-Sava, l’un des plus grands lieux de culte orthodoxe du monde, dont la rénovation a été en partie financée par le géant gazier Gazprom et où ils acclameront le président russe, accompagné de son homologue Aleksandar Vucic.

La popularité de M. Poutine est immense en Serbie.

Bien qu’aspirant à rejoindre l’Union européenne, Belgrade refuse de s’associer aux sanctions internationales imposées à la Russie après le rattachement de la Crimée.

Outre un attachement historique pour le « grand frère slave orthodoxe », cet engouement est la conséquence du soutien de Moscou sur la question du Kosovo, dont les Serbes n’acceptent pas l’indépendance.

Le veto russe exclut toute adhésion à l’ONU de cette ancienne province dont la Serbie a perdu le contrôle après une campagne de bombardements de l’Otan en 1999. « Le Kosovo c’est la Serbie; la Crimée, c’est la Russie », peut-on parfois lire dans les rues serbes.

Conscient de la popularité du visiteur et confronté à une série de manifestations de son opposition, l’homme fort de Belgrade, Aleksandar Vucic, a décrit lundi sur la chaîne privée Pink TV (pro-gouvernement), des relations très proches avec son invité. « Lorsque je suis allé chez lui pour lui offrir une icône, il m’a reçu à 22h45, nous étions seuls et il jouait du piano. »

Domination de l’Otan

La chaleur de l’accueil belgradois n’occultera pas les revers récents de la Russie dans les Balkans.

Moscou n’a pu empêcher le Monténégro de rejoindre l’Otan en 2017, un chemin qu’emprunte actuellement la Macédoine.

En cas de succès de Skopje, tous les pays frontaliers de la Serbie seront dans la sphère de l’Otan, à l’exception de la Bosnie. La raison: le veto de la composante serbe de ce pays multicommunautaire, dont le chef politique, Milorad Dodik, aura un aparté avec Vladimir Poutine.

Dans la presse serbe, ce dernier a dénoncé mardi la volonté de domination des Occidentaux dans les Balkans, « un important facteur de déstabilisation ».

Pour Maxime Samoroukov, analyste en Russie du centre de réflexion de politique internationale Carnegie, la visite revêt toutefois plus d’importance pour la Serbie: « les Balkans en tant que tels, ont peu d’importance » aux yeux de Moscou et ne représentent « pas une priorité de la politique extérieure russe ».

Vladimir Poutine vient chercher « du prestige politique » et montrer qu’il y a une « influence russe dans tous les endroits du globe ».

« Un pays européen qui présente la Russie comme un partenaire aussi important que le reste de l’Europe, bien sûr, cela fait plaisir », poursuit M. Samoroukov, ajoutant que « la Russie ne se battra pas pour maintenir » un rôle majeur dans les Balkans.

« Plus émotionnelle que rationnelle »

La relation russo-serbe « est plus émotionnelle que rationnelle », relève à Belgrade l’analyste économique serbe Biljana Stepanovic.

Selon une étude de décembre 2017 du gouvernement serbe, un quart des habitants (24 %) désignent la Russie comme principal donateur à leur pays, une proportion identique affirmant que c’est l’UE.

Or, 75 % des dons viennent de l’Union ou de pays membres, quand la Russie ne figure même pas dans les neuf premiers du classement.

En terme d’investissements directs et d’échanges commerciaux, la proportion est également en faveur de l’Europe.

Moscou a toutefois un atout dans sa manche: la Serbie importe de Russie les deux tiers de ses besoins en gaz naturel et en pétrole brut. Et le russe Gazprom détient la compagnie serbe de pétrole NIS.

Selon Mme Stepanovic, la Russie « n’a pas encore usé » de ce levier, « mais le potentiel d’influence est bien là ».

« Donnez-moi du gaz bon marché venant d’ailleurs, je suis preneur. Mais je ne l’ai pas encore vu », a déclaré Aleksandar Vucic dans son interview à Pink.

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