Frais de scolarité pour les étudiants étrangers : la tension monte entre l’État et les universités

La décision d’augmenter les frais d’inscription pour les étudiants non-européens continue de susciter l’indignation.

Après les manifestations étudiantes fin 2018, plusieurs universités ont annoncé qu’elles n’augmenteraient pas les tarifs en 2019.

Après Clermont-Auvergne, Aix-Marseille, Toulouse Jean-Jaurès, Lyon-II et l’Université Paris-Nanterre, c’est au tour de Rennes-II d’afficher son opposition à la réforme du gouvernement français.

La direction de l’université bretonne a annoncé officiellement qu’elle ne mettrait pas en place l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants non-européens en septembre 2019. « Le budget prévu aujourd’hui est toujours celui d’un tarif équitable pour tous. Nous resterons sur ce système pour la rentrée prochaine. Aucun décret n’a été publié à ce jour. Si cela devait arriver, nous utiliserions les moyens règlementaires pour exonérer nos étudiants étrangers d’augmentation » explique Nadia Dupont, membre de la direction chargée de la mission formation à l’université Rennes-II.

Interrogée jeudi 17 janvier au Sénat, la ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, a haussé le ton, expliquant que les présidents d’université sont des « fonctionnaires de l’État » qui doivent honorer « un devoir d’obéissance et de loyauté ».

Une mesure jugée « discriminatoire »

Le 19 novembre dernier, le Premier ministre, Édouard Philippe, a détaillé la nouvelle stratégie du gouvernement pour renforcer l’attractivité des universités françaises pour les étudiants étrangers. Un ensemble de mesures, intitulé « Bienvenue en France », qui met l’accent sur l’amélioration de l’accueil et de la formation.

Le but affiché du gouvernement est de passer de 324 000 étudiants à 500 000 étudiants étrangers en France à l’horizon 2027. Mais une mesure ne passe pas : la mise en place de frais d’inscription différenciés pour les étudiants non-européens. À partir de 2019, ces derniers devront payer 2 770 euros au lieu de 170 euros pour une année de license et 3 770 euros à la place de 243 euros pour un master.

Présentée par le Premier ministre comme un moyen de « faire financer les bourses des moins fortunés et des plus méritants en faisant payer les étudiants étrangers qui en ont les moyens », cette réforme est très critiquée au sein des universités. « Cette augmentation est discriminatoire, c’est une sélection par l’argent, on veut faire payer aux étudiants étrangers leur accueil. La France s’honore à montrer qu’elle peut accueillir des étudiants modestes, il ne faut pas renoncer à ce principe », affirme Nadia Dupont. « Nous ne sommes pas opposés à la réforme du gouvernement, nous pensons qu’il est essentiel d’améliorer l’accueil des etudiants étrangers, c’est cette augmentation de tarifs qui nous pose problème ».

Un manque de concertation

Les établissements opposés à l’augmentation des tarifs dénoncent une réforme qui va à l’encontre de la tradition d’équité de l’université française et du rayonnement de la francophonie et fustigent un problème de méthode : « Il n’y a pas eu de discussion préalable avec la communauté universitaire » explique Nathalie Dompnier présidente de l’université Lyon 2. « Nous avons découvert ces chiffres en novembre. Nous n’avons eu aucune explication sur cette augmentation ni comment elle a été calculée. Les étudiants étrangers savent que les tarifs ont augmenté, mais nous n’avons pas encore d’information sur la politique d’exonération qui sera mise en place, c’est pourquoi nous n’appliquerons pas cette augmentation ».

Pour la ministre de l’Enseignement supérieur, la hausse des frais d’incription n’a « pas vocation à être remise en cause. » Le gouvernement a néanmoins laissé la porte ouverte à des discussions sur les modalités de la réforme dans le cadre du grand débat national.

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