Avec un empressement déplacé, les grands médias se sont emparés du meurtre de quatre soldats étasuniens en Syrie, pour saper le projet de retrait des troupes de Syrie du président Donald Trump.
L’attaque meurtrière, qui aurait été commise par un kamikaze, a eu lieu à Manbij, dans le nord du pays, sur la rive ouest de l’Euphrate. Le groupe terroriste État islamique en aurait revendiqué la paternité, mais il s’attribue systématiquement ce genre de l’exploit, et il s’avère souvent que c’est faux.
Les victimes auraient fait partie d’une patrouille routinière à Manbij, où, dans le cadre de la prétendue campagne contre l’État islamique et les autres groupes terroristes, les forces étasuniennes soutenaient les miliciens kurdes.
Une explosion dans un restaurant a occasionné la mort de deux soldats et de deux fonctionnaires civils du Pentagone, et fait aussi plus d’une douzaine d’autres victimes. Trois autres soldats étasuniens figuraient parmi les blessés.
Les médias ont fait ressortir le fait que c’est cet attentat à la bombe qui avait fait le plus grand nombre de victimes dans les forces étasuniennes en Syrie, depuis le début de leurs opérations dans le pays, il y a près de quatre ans.
Les Étasuniens et la milice kurde tenaient Manbij depuis plus de deux ans. C’est l’un des principaux sites d’où ont été retirés les soldats étasuniennes dans le cadre du plan de Trump, annoncé le 19 décembre.
Après l’attentat, le New York Times a pondu le gros titre : « En tuant quatre soldats, l’attaque de l’État islamique en Syrie suscite des inquiétudes quant au retrait des troupes ». D’après l’article, « La nouvelle a suscité des appels républicains et démocrates, demandant que le président Trump réexamine son projet de retrait des troupes du pays. »
Le gros titre du Washington Post était encore plus éloquent : « Le meurtre de quatre Étasuniens en Syrie, braque les projecteurs sur la politique de Trump ».
D’après l’éditorial du Post, « l’attentat à la bombe montre que dans le futur proche, l’État islamique sera probablement une force avec laquelle il faudra compter en Syrie. » Il citait des politiciens de Washington affirmant que « les victimes de la bombe… résultaient directement de la stratégie folle et précipitée de départ annoncée par Trump, et cela plaidait en faveur de rester. »
Le sénateur démocrate Jack Reed, qui siège au Comité des forces armées du Sénat, a pontifié : « Dès le début, je pensais que le président avait tort d’ordonner le retrait. C’est une erreur stratégique pour toute la région. »
Avec leur morgue macabre, visiblement pour marquer des points contre Trump, les politiciens et les médias anti-Trump ont exploité la mort des soldats.
Cette semaine, la déclaration du président, faite juste avant Noël au sujet de la défaite de l’État islamique, a été largement remise sur le tapis, de manière à ridiculiser l’ordre de retrait de Syrie ordonné par Trump.
Néanmoins, malgré les victimes, Trump et son vice-président Mike Pence se sont dit toujours déterminés à faire rentrer chez eux environ 2000 soldats. Quelques sommités militaires ont pris aussi le parti de ce projet contre les médias, malgré l’attentat terroriste.
La politique de Trump en Syrie, suscite manifestement une grave division à Washington. Pour les démocrates et les organes de presse à leur botte, il faut s’opposer à tout ce que fait Trump. Mais il y a aussi des éléments de l’armée et du renseignement qui s’opposent implacablement à ce qu’ils considèrent être une « capitulation de Trump devant la Russie et l’Iran » en Syrie. C’est en partie pour cette raison que le Secrétaire à la Défense, James Mattis, a démissionné quelques jours après la décision de retrait, à la fin du mois dernier.
Après avoir investi des années et de l’argent dans la machination du changement de régime syrien, il y a forcément dans l’armée et les services de renseignement, des cabales résistant au ramassage des cliques et des claques. Ce n’est pas que la démarche de Trump laisse présager la paix dans la région. C’est plus un ‘changement tactique’ dans la manière dont l’impérialisme étasunien opère au Moyen-Orient, comme l’a bourdonné le Secrétaire d’État, Mike Pompeo, au Caire la semaine dernière.
C’est pourquoi la démarche de Trump n’est peut-être pas un retrait clair et net. Le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, lors de sa virée au Moyen-Orient la semaine dernière, a déjà tenté de saper Trump en associant toutes sortes de conditions floues au retrait des troupes. Bolton et Pompeo ont parlé de la nécessité d’assurer la défaite totale de l’État islamique et de contrer la présence iranienne en Syrie.
Tout cela amène la question de savoir qui a bien pu monter ce coup à Manbij ? Était-ce vraiment un kamikaze ? L’État islamique ? Plusieurs observateurs ont fait remarquer que ce dernier n’est plus à Manbij depuis deux ans, depuis que les Étasuniens et les Kurdes ont pris le contrôle de la ville.
Comme toujours, se pose la question clé : À qui profite le crime ? L’ampleur de l’attentat suggère qu’il portait un message politique clair destiné à Trump.
Abandonnés à leur sort, les miliciens kurdes sont de possibles bénéficiaires de l’attentat. Privés de leur sponsor sur le terrain, ils sont à la merci d’anéantissement du fait d’opérations transfrontalières turques, puisque Ankara a juré de le faire. Un calcul machiavélique kurde aurait pu consister à montrer à Trump que l’État islamique n’est pas du tout défait, et que des forces étasuniennes sont nécessaires pour empêcher toute résurgence de ces terroristes à Manbij et dans le nord-est de la Syrie.
Autre acteur sinistre, la CIA ou quelque élément du renseignement militaire étasunien. Il n’est absolument pas exclu que, pour discréditer le plan de Trump, la CIA puisse se charger de ce genre d’atrocité contre ses propres troupes.
Ce qui est sûr, c’est que l’empressement de la réaction médiatique et des discussions affectées anti-Trump, laissent penser que l’attentat était un peu trop providentiel.
Il serait très naïf de croire que la CIA ne peut pas être derrière cet attentat sous fausse bannière. Ainsi, dans Un américain bien tranquille, Graham Greene dévoile que dans les années 1950, au Vietnam, la CIA s’adonnait depuis des lustres à ce genre de duperie honteuse. Ainsi, quand cette officine considérait que c’était dans l’intérêt géopolitique des États-Unis, grâce à d’atroces attentats et assassinats, elle fomentait des guerres à l’étranger.
Strategic Culture Foundation, Finian Cunningham
Original : www.strategic-culture.org/news/2019/01/18/convenient-killing-of-us-troops-in-syria.html