Un « gilet jaune » marche 900 km d’Arles à Paris, pour le référendum d’initiative citoyenne

Il a marché d’Arles à Paris en traversant des dizaines de ronds-points occupés pour soutenir la « revendication principale » du mouvement social: pour le « gilet jaune » José Manrubia, le référendum d’initiative citoyenne est « la seule solution ».

Sur le rond-point du Vittier, qui bloquait l’entrée de la ville des Bouches-du-Rhône, cet homme de 56 ans, artiste plasticien à l’accent chantant, a beaucoup débattu depuis novembre: impôts, pouvoir d’achat, environnement…

Mais devant la multitude de revendications, « on s’est rendu compte que la seule chose capable de vraiment changer les choses, c’est d’avoir un vrai référendum d’initiative citoyenne constituant ».

Alors plutôt que de continuer à « étrangler la ville », il a proposé en décembre une « marche pacifique » d’Arles à Paris en faveur du « RIC », aussitôt adoptée en assemblée générale. Le 16 décembre, ils étaient dix à s’élancer de la « petite Rome des Gaules ».

Trentre-quatre jours et presque 900 km plus tard, José a terminé le périple dimanche à Paris en étant le seul à avoir tenu la quasi-totalité du trajet – un orteil cassé l’a tout de même forcé à sauter quatre étapes.

Pour son arrivée sous la Tour Eiffel, il a retrouvé plusieurs compagnons de route.

« On a fait beaucoup de zigzags pour aller à la rencontre des ronds-points les plus animés », raconte le marcheur, chaussé de simples baskets. Sur la cinquantaine de giratoires traversés, José a croisé « des centaines, voire des milliers de gens ».

Infirmières, avocats, chômeurs, les « gilets jaunes » rencontrés ont « quasiment tous » la même priorité, assure-t-il: l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne « constituant, abrogatoire, révocatoire et législatif ».

Un outil capable, sur la base d’une initiative citoyenne, de provoquer un vote pour créer une loi, l’abroger, modifier la Constitution ou mettre un terme au mandat d’un élu. Dans une liste de revendications, certains « gilets jaunes » demandent par exemple qu’une proposition de loi obtenant 700.000 signatures entraîne un référendum national dans un délai d’un an.

« Reprendre notre destin en main »

Depuis 2008, la France dispose d’un « référendum d’initiative partagée ». Mais cette procédure difficile à mettre en oeuvre – elle nécessite le soutien d’au moins 185 députés et sénateurs et 4,5 millions d’électeurs – n’a jamais été utilisée.

« Les gens n’en peuvent plus d’être méprisés. Depuis 40 ans, de droite ou de gauche, les politiques ne servent plus l’intérêt général », juge José, en citant en exemple le non français en 2005 au référendum sur le traité de Constitution européenne, contourné par le Parlement.

« Les gens n’y croient plus parce qu’on les a dépouillés de leurs droits à gérer leurs vies », constate cet homme placide. Sur les ronds-points, « on s’est tous politisés, au sens noble du terme, on veut tous reprendre notre destin en main. »

Ce fils d’immigré espagnol témoigne que le mouvement agrège « de tout, des gens d’extrême droite, d’extrême gauche, d’autres qui ne votent pas ». L’outil peut-il tous les satisfaire, tout en garantissant certains grands principes ?

« Le RIC doit se faire en utilisant comme principe immuable la Déclaration des droits de l’Homme de 1948 », répond-il. « A partir de là, on ne peut pas remettre en cause la peine de mort, par exemple. »

« On ne fait pas confiance aux Français alors que ce sont des gens qui ont une conscience politique forte », ajoute-t-il. « Qu’on leur donne l’opportunité de réellement pouvoir choisir et vous verrez qu’il y aura beaucoup moins d’abstention. »

De son périple, il retient « le désespoir exprimé par beaucoup », mais aussi « l’incroyable solidarité » exprimée sur les ronds-points. Le Provençal attend en revanche peu d’Emmanuel Macron et de son débat national.

En revêtant un gilet jaune, « les gens ont relevé la tête, ils ont retrouvé une dignité », estime José. « Tant qu’ils n’auront pas le RIC, ils ne vont plus s’arrêter ».

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