Le gouvernement et l’opposition vont compter leurs forces mercredi dans les rues au Venezuela où des manifestations pro et anti-gouvernementales sont organisées, dans un climat très tendu, deux jours après un soulèvement militaire réprimé.
Les opposants au président socialiste Nicolas Maduro sont appelés à se mobiliser pour réclamer l’installation d’un « gouvernement de transition » en vue de l’organisation de nouvelles élections.
« Nous avons un rendez-vous historique avec notre pays, avec l’avenir de nos enfants », a lancé mardi en pleine session parlementaire Juan Guaido, le président du Parlement, unique institution contrôlée par l’opposition.
Juan Guaido avait appelé le 11 janvier, au lendemain de l’investiture de Nicolas Maduro pour un deuxième mandat contesté, à une « grande mobilisation dans tous les coins du Venezuela ».
« L’unique transition au Venezuela est celle vers le socialisme », a rétorqué mardi Diosdado Cabello, le président de la puissante Assemblée constituante, composée de fidèles au régime, qui a également appelé les partisans du gouvernement à manifester en nombre dans différentes régions du pays.
Ces mobilisations sont organisées dans un climat explosif, deux jours après le bref soulèvement d’un groupe de 27 militaires qui se sont retranchés quelques heures dans une caserne du nord de Caracas, en lançant des appels à l’insurrection.
Dans sa première allusion à cet événement, plus de 24 heures après l’arrestation des militaires rebelles, Nicolas Maduro a déclaré mardi que l’armée « avait donné d’innombrables preuves de discipline, de cohésion, de préparation pour affronter n’importe quelle menace des ennemis de la patrie ».
Au cours d’une allocution radio-télévisée, il a accusé le gouvernement américain à travers son vice-président Mike Pence d’avoir ordonné « un coup d’Etat fasciste ». En représailles, il a demandé à son ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza d’engager une « révision totale des relations » diplomatiques avec les Etats-Unis.
« Soutien » américain aux opposants
Au même moment, Washington a affiché sa solidarité avec la manifestation de l’opposition. M. Pence a exprimé « le soutien indéfectible des Etats-Unis au moment où vous, le peuple du Venezuela, donnez de la voix pour réclamer la liberté » dans une vidéo diffusée sur Twitter.
Pour le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez, M. Pence a ordonné aux militaires insurgés de remettre des armes à des militants d’opposition afin que, habillés en uniforme de soldat, ils tirent sur la foule pendant la manifestation d’opposants, pour déstabiliser le gouvernement.
« Yankee go home, nous n’allons pas vous permettre de vous immiscer dans les affaires de la patrie », a lancé la vice-présidente Delcy Rodriguez, accusant les Etats-Unis d’appeler « ouvertement à un coup d’Etat ».
Dans la foulée du soulèvement des militaires, une trentaine d’émeutes, avec blocages de routes, pillages de magasins, et heurts avec les forces de l’ordre, ont été enregistrés des quartiers populaires de la capitale et de sa banlieue, selon l’ONG Observatorio de Conflictividad Social.
Cette insurrection, au cours de laquelle les militaires sont parvenus à dérober des armes, avant de se retrancher dans une caserne dans le quartier de Cotiza, s’est produite alors que l’opposition ne cesse d’appeler l’armée, considéré comme le principal soutien de Maduro, à rompre avec le régime.
Offre d’amnistie
Le Parlement a promis une « amnistie » aux membres de l’armée qui refuseraient de reconnaître le nouveau mandat du chef de l’Etat.
Mardi, les députés ont approuvé cette proposition, défiant la décision de la Cour suprême, accusée par ses détracteurs d’être inféodée au régime, qui a déclaré nulles toutes leurs décisions.
« Ils ne peuvent pas déclaré inconstitutionnel le désir de changement d’un peuple », a affirmé Juan Guaido, selon lequel le soulèvement de lundi est la preuve un mécontentement croissant dans l’armée.
Pour la spécialiste des questions militaires Sebastiana Barraez, l’amnistie « a mis en alerte le pouvoir » et « ouvre une porte de sortie aux soldats qui en ont assez de ce qui se passe à l’intérieur » de l’armée.
Les mobilisations de mercredi, dans un pays toujours plus asphyxié par la crise économique, seront le premier retour à la rue après les violentes manifestations qui avaient fait 125 morts en 2017.
Le nouveau mandat du chef de l’Etat est contesté par l’opposition, qui accuse la régime d’avoir fait pression sur les électeurs lors du scrutin le 20 mai et pointe une forte abstention.
Il n’est pas non plus reconnu par les Etats-Unis, plusieurs pays d’Amérique latine et l’Union européenne qui espère lancer en février un groupe international de contact pour tenter de trouver une sortie négociée à la crise, selon la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.
L’Organisation des Etats américains (OEA), dont un grand nombre de membres jugent illégitime le deuxième mandat de M. Maduro, doit elle se réunir jeudi en session extraordinaire pour examiner « les récents événements au Venezuela ».