Élections européennes : « La liste des Gilets jaunes rebat les cartes du jeu politique »

Des Gilets jaunes ont annoncé, mercredi, la création d’une liste pour les élections européennes du 26 mai prochain. Une bonne nouvelle pour le mouvement citoyen qui entend se faire entendre. Peut-être moins bonne pour le Rassemblement national.

Depuis plusieurs semaines, l’idée d’une liste Gilets jaunes aux élections européennes circulait dans les médias, sur les ronds-points. C’est désormais une réalité. Mercredi 23 janvier, des Gilets jaunes ont annoncé qu’ils comptaient déposer une liste aux élections du 26 mai. « Ce sont les citoyens qui décideront ce que nous allons voter au Parlement européen, projet après projet, et nous allons sortir le Parlement européen d’une forme d’opacité dans laquelle il est actuellement », peut-on lire dans leur communiqué.

La liste du Ralliement d’initiative citoyenne (RIC), nom choisi en référence au fameux « Référendum d’initiative citoyenne », est composée d’une dizaine de noms et emmenée par Ingrid Levavasseur, aide-soignante de 31 ans, figure de proue du mouvement. L’objectif est de constituer une liste complète de 79 candidats d’ici « mi-février » », a précisé l’un de ses responsables, Hayk Shahinyan, qui occupera la fonction de directeur de campagne.

« L’arrivée de cette liste est très intéressante car elle va rebattre les cartes du jeu politique français », s’enthousiasme Nicolas Lebourg, chercheur à l’université de Montpellier et spécialiste de l’extrême droite, contacté par France 24. D’ailleurs l’idée d’une liste Gilets jaunes jouit de 13 % d’intentions de vote, d’après un sondage Elabe pour BFMTV, publié le 23 janvier, avant l’annonce de la liste conduite par Ingrid Levavasseur. Une liste qui arriverait en 3ème position juste derrière LREM (23,5 %) et le Rassemblement national (20,5 %). Un beau score pour ce mouvement né dans la rue, le 17 novembre dernier. « Le succès des Gilets jaunes rappelle sensiblement celui du Mouvement 5 étoiles en Italie, ou de Trump d’une certaine manière, estime William Genieys, chercheur au CNRS, rattaché spécialiste des élites politiques, contacté par France 24. C’est la victoire du populisme contre le discours des élites. »

Chez les Marcheurs, la perspective de cette nouvelle liste dans le paysage politique français est accueillie avec enthousiasme. « Chacun est libre dans notre pays de constituer une liste, de porter ses idées, s’est réjoui le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sur Radio Classique. Moi je préfère qu’on le fasse dans les urnes à visage découvert, plutôt que planqué derrière des pseudos anonymes sur des réseaux sociaux ou cagoulés dans des manifestations avec des violences ». Il faut dire que la liste des Gilets jaunes ne risque pas d’empiéter sur la base électorale de LREM.

Au Rassemblement national, en revanche, l’accueil est plus mitigé. Gilbert Collard a dit que « cette liste #GiletsJaunes sent[ait] le Macron macéré à la combine électorale. » Il faut dire que l’arrivée de cette liste fait perdre trois points au parti de Marine Le Pen. « Les cadres du RN sont tous montés au créneau pour fustiger la liste des Gilets jaunes, c’est bien le signe qu’ils sont inquiets », commente Nicolas Lebourg.

Rien d’étonnant à cela. Les Gilets jaunes et le Rassemblement national chassent sur les mêmes terres électorales, à en croire l’universitaire. « Les électeurs du FN sont des petits patrons écrasés par les taxes, des employés du privé avec des petits salaires, comme les Gilets jaunes. Ils sont sensibles à la question de l’aménagement du territoire; comme les Gilets jaunes. À bien des égards, le FN et les Gilets jaunes fonctionnent sur les mêmes items. Seule différence au tableau, le mouvement des Gilets jaunes est plus à même de représenter le peuple que le parti de Marine Le Pen. »

Il ne s’agit pour l’heure que d’estimation. « Maintenant, le plus dur reste à faire, relativise Nicolas Lebourg. Si Ingrid Levavasseur dispose aujourd’hui d’une image positive, avec son métier d’aide-soignante loin des élites, il faut surtout voir ce qu’elle va donner lors de sa campagne. »

Et le chemin s’annonce semé d’embuches. « Aujourd’hui plus qu’avant, les problématiques économiques sont de plus en plus complexes et l’on ne peut pas les traiter avec des anathèmes populistes », estime William Genieys.