Le Parlement grec a reporté à vendredi son vote historique sur le nouveau nom de la Macédoine, initialement prévu jeudi soir, alors que des partisans du « non » commençaient à se rassembler devant son siège pour manifester.
La police a pris des mesures draconiennes pour assurer la sécurité de ce rassemblement.
Ce report, officiellement dû au nombre important de députés souhaitant prendre la parole, prolonge le suspense sur cette querelle de près de trente ans entre la Grèce et la Macédoine.
Le vote sur l’accord qui rebaptise le pays voisin en « République de Macédoine du Nord » est prévu vendredi « vers 14H30 locales (12H30 GMT) », a indiqué à l’AFP une source parlementaire, soulignant que le nombre des députés inscrits pour s’exprimer « était très élevé ».
Entamé mercredi, le débat continuait jeudi d’être houleux sur un sujet qui sème la zizanie dans la classe politique grecque comme dans l’opinion publique.
« Jusqu’au bout, nous nous opposerons à cet accord. Même s’il est voté par le Parlement, nous continuerons à montrer notre mécontentement et la Macédoine restera pour toujours grecque dans nos coeurs », a témoigné Michalis, venu manifester de Kalamata (sud).
Pour de nombreux Grecs, surtout du nord du pays, le mot de « Macédoine », terre natale d’Alexandre le Grand, appartient exclusivement au patrimoine historique grec. Certains redoutent même que le pays voisin ait des velléités d’annexer la province grecque du même nom.
Dimanche, des incidents entre un groupe de manifestants encagoulés et les forces anti-émeutes avaient fait une quarantaine de blessés.Le gouvernement avait pointé du doigt « des extrémistes » du parti néo-nazi Aube Dorée, .
La majorité des partis politiques grecs affichent une opposition farouche à l’accord: de l’extrême droite aux socialistes du Kinal et aux communistes du KKE, en passant par la grande formation de la droite Nouvelle-Démocratie (78 députés).
Accord « modèle »
Malgré cette opposition radicale, l’accord devrait en principe être validé par au moins 151 députés sur 300.
Outre ses députés du parti de gauche Syriza (145), le Premier ministre Alexis Tsipras mise sur au moins six dissidents provenant de son ancien allié au gouvernement, le parti souverainiste des Grecs Indépendants Anel, ou d’autres partis du centre-gauche – Kinal (socialistes) et Potami -.
« Il faut sérieusement considérer cet accord, (voter +oui+) ne signifie pas un soutien au gouvernement, c’est un moment historique pour dire +non+ à la division » nationale, a lancé Athanassios Théoharopoulos, dissident du Kinal, devant la Vouli, l’assemblée parlementaire.
Après le « oui » des députés de Macédoine il y a deux semaines, la ratification par le Parlement grec doit être le dernier acte d’une querelle datant des années 1990 au moment de l’accession à l’indépendance de cette ex-république yougoslave.
Outre la normalisation des relations bilatérales, l’entrée en vigueur de l’accord ouvrirait la voie à l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne et à l’Otan, entravée jusqu’ici par le veto d’Athènes.
Pour le ministre macédonien des Affaires étrangères Nikola Dimitrov, artisan de l’accord avec Athènes, « l’accord peut servir de modèle pour des Balkans riches en différends apparemment insolubles ». Il « instaure un climat qui fait que l’impossible devient possible », a-t-il affirmé à l’AFP.
Manque de consensus
Kyriakos Mitsotakis, dirigeant de Nouvelle Démocratie, a appelé ses députés à « l’unité et la détermination », fustigeant un « mauvais » accord.
« Les lignes nationales du pays ont été violées », a-t-il dénoncé en accusant le gouvernement d’avoir cédé « l’identité et la langue macédoniennes ».
Certains députés favorables à l’accord, comme Eleni Kountoura, dissidente de l’Anel et ministre du Tourisme, ont dit avoir reçu des menaces contre leur vie ou celle de membres de leur famille.
Si l’accord n’entre pas en vigueur, « les conséquences de l’échec seront importantes » et « une nouvelle négociation prendrait des années », a prévenu mercredi Matthew Nimetz, médiateur onusien sur la question.
Kyriakos Mitsotakis ne cesse lui de réclamer des élections anticipées et a promis « une nouvelle négociation » avec le pays voisin, si l’accord n’est pas entériné par le Parlement et en cas de victoire aux prochaines élections prévues en octobre.